Atelier « Pour une organisation communiste de notre temps »

Atelier « Pour une organisation communiste de notre temps »

Contribution de Monique Dental


Militante associative féministe de longue date, engagée dans les luttes syndicales, anti-coloniales, anti-impérialistes, antiracistes dans le passé et aujourd’hui dans le mouvement altermondialiste et les comités unitaires pour le Non au TCE, je chemine avec le Parti communiste français depuis 1993. Alors que je coordonnais le Réseau féministe pour la parité en politique, j’ai rencontré la Commission femmes du PCF dont la responsable était alors Marie-Georges Buffet. Depuis, j’ai été candidate à plusieurs reprises sur des listes présentées par le Parti Communiste : aux européennes en 1999 sur la liste « Bouge l’Europe ! » (constituée à parité hommes-femmes et à parité militant-es du PCF et des mouvements sociaux), en 2003 aux élections régionales en Ile-de-France sur la liste Alternative Citoyenne, enfin aux élections européennes de 2004.

Je me reconnais du courant du féminisme politique concevant celui-ci comme un des piliers participant à la transformation sociale, au même titre que les valeurs de gauche et de l’écologie. Cette conception suppose une approche transversale – non catégorielle – de l’égalité entre les femmes et les hommes, approche appliquable à toutes les questions de société.

C’est au croisement de mon histoire familiale (plusieurs personnes de ma famille étaient membre du Parti communiste français), de mes différentes expériences militantes associatives passées et présentes et des analyses sociétales du mouvement féministe que je me suis située pour participer aux travaux de l’Atelier « Pour une organisation communiste de notre temps ». J’ai pu observer que de nombreuses interventions au Congrès ont porté sur les questionnements que nous avions « travaillé » dans cet Atelier.

1) Quels sont les actrices et les acteurs du changement social aujourd’hui?

Nous constatons qu’il n’y a plus d’acteurs univoques du changement et de la transformation sociale, lesquels sont soutenus aussi par des composantes porteuses de projets transversaux, en rupture avec les formes traditionnelles de la politique. A l’heure actuelle, changer la société n’est plus seulement l’affaire des partis politiques et l’on peut même se demander si la structuration pyramidale des partis produit encore du sens. Les organisations ainsi structurées sont-elles toujours un recours pour appréhender une réalité sociale en mouvement quand la culture jacobine de la politique montre aujourd’hui ses limites ? La place des femmes en politique en est un exemple révélateur.

2) Le communisme

Comme référence historique, le communisme est-il toujours pertinent ? Comment utiliser la théorie marxiste ? Reste-t-elle un outil pour penser le présent ? De quel marxisme avons-nous besoin aujourd’hui ? De quelles autres approches théoriques et pratiques devrait-il s’enrichir et se repenser ? A cet égard, la volonté de « revisiter » le passé du communisme -non dans une démarche d’auto-flagellation culpabilisante mais en abordant le bilan dans l’optique d’un redéploiement des forces, y compris au sein du Parti – me semble nécessaire à l’inscription du communisme dans le mouvement même de la société.

3) De quel espace politique avons-nous besoin dans la période ?

Il existe désormais tout un panel de forces antilibérales. Les pratiques politiques de celles regroupées dans la campagne pour le NON au Traité constitutionnel européen ont témoigné d’une réappropriation des questions politiques qui donne un sens nouveau au politique lui-même. Ces luttes (comme celles que mènent actuellement le mouvement étudiant et lycéen contre CPE et CNE font appel à « plus de politique », alors que les discriminations sont encore souvent analysées de façon trop « économicistes ».

Nous savons que la réflexion transversale ne suffit plus pour bâtir de nouveaux fondamentaux. Beaucoup d’entre nous, y compris au Parti communiste, pensons qu’il peut exister un projet d’organisation politique alternatif dépassant les visions encore dominantes et qui ont pu faire leurs preuves dans le passé, y compris au Parti communiste. Ce projet commun, cette vision d’ensemble, quelle serait-elle ?

Dans nos regroupements, nous parvenons à formuler des questions, à donner des éléments de réponses, mais nous sommes encore impuissant-es à traduire politiquement des perspectives qui reposent sur les convergences de luttes. Comment aller au-delà des formes consensuelles qu’on s’est données ? La tendance est encore à privilégier les structures consolidant la séparation entre le social, le politique et le culturel, alors même qu’il nous faudrait analyser le mouvement social à partir des ruptures qu’il introduit, car c’est ce qui lui donne du sens. Ainsi, nous voyons combien l’accord de principe avec le féminisme s’avère insuffisant puisque cet accord formel exclut l’approche féministe transversale, en œuvre dans nos pratiques militantes, quant à l’égalité des droits entre hommes et femmes.

Pour que cet espace politique alternatif se matérialise concrètement, cela suppose de :

– Conforter la convergence des forces en lutte contre l’exploitation capitaliste néolibérale ;

– Favoriser les clarifications de ce que serait une réelle politique alternative de gauche et la structure organisationnelle correspondante permettant de donner corps à une nouvelle culture politique ;

– Repenser l’organisation en vue de la production d’idées nouvelles trouvant leurs sources dans les créativités collectives ;

– Ouvrir des chantiers pour cerner les apports respectifs de chacune des composantes. Cette démarche ne relève pas de l’utopie. Les conditions objectives existent où la question de « faire de la politique autrement » reste posée, puisque l’exigence de novation et de transformation grandit dans la société et dans une part toujours plus importante de l’espace public.

Engager les réflexions qui précèdent, c’est participer déjà d’une autre conception de l’organisation et c’est tout l’enjeu du travail actuel. Peut-être même faut-il voir dans cette posture une marque de radicalité politique. L’expérience menée par les participants à l’atelier « Pour une organisation communiste de notre temps » pourrait utilement être prolongée par des réflexions décentralisées dans toutes les structures du Parti pour cheminer davantage et aller plus loin encore.

Nous avons plus à partager que de raisons de nous opposer, ou de nous combattre. Partant de ces premiers échanges, cherchons une structure commune et élaborons ensemble d’autres visées politiques, sans perdre nos acquis ni nos identités respectives. Vous, militantes et militants de Parti et nous, militantes et militants des syndicats, des mouvements sociaux et des nouvelles formes associatives apparues spontanément dans les luttes de ces dernières années.

Le féminisme dans sa dimension politique est riche de réflexions et de pratiques qui appellent de nouvelles organisations, de nouvelles mises en perspective des projets à venir.

Toutes les formes de domination nous sont insupportables à nous, féministes, comme à vous, communistes. Les femmes cependant sont plus sensibles encore aux inégalités car elles restent fragilisées par un passé où elles furent davantage discriminées. C’est pourquoi nous combattons tout à la fois :

– le système patriarcal parce qu’il est l’une des formes les plus réactionnaires sur laquelle ont reposé, et reposent encore, les sociétés inégalitaires ;

– le système capitalisme et le néo-libéralisme mondialisé parce qu’il concentre et exacerbe les formes extrêmes d’oppression, de domination et d’exploitation.

Si nos expériences et nos acquis peuvent être mutualisés, le Parti communiste pourrait aussi, utilement, tabler ses objectifs sur les utopies qu’il peut encore faire naître (plutôt que sur les rêves brisés de ses années passées) et s’enrichir des apports « extérieurs » par un esprit d’ouverture et de partenariat avec des militantes et militants engagé-es, eux aussi dans les luttes pour l’égalité et l’accès aux droits.

Je vous remercie de votre attention.

Monique DENTAL
Animatrice du Réseau Féministe « Ruptures »
monique.dental@wanadoo.fr

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