Edito avril 2007
Le 8 mars, la presse s’intéresse aux femmes. Et les autres jours ? Eh bien, l’intérêt baisse très nettement puisque, selon l’ Association des Femmes Journalistes (A.F.J.), elles ne représentent que 17 % des personnes citées, ce qui ne correspond ni à leur poids, ni à leur place dans la société.
Ce 8 mars, la presse nationale a mis l’accent sur la féminisation de la pauvreté, les inégalités de salaire, les discriminations au travail. En fait, il s’agit surtout d’un état des lieux. L’analyse des causes, des mécanismes qui conduisent à cette situation est quasi inexistante. On a l’impression que les femmes sont perçues comme une catégorie à part, privée d’histoire, vivant dans un no man’s land où un mauvais sort, un destin – forcément aveugle – les auraient confinées. Le thème femmes et politique est abordé plus rapidement. L’Humanité analyse « la longue marche des femmes en politique » en insistant sur le difficile partage du pouvoir et en soulignant les blocages de tous ordres au sein des partis. Ainsi, l’U.M.P. ne présentera que 30 % de candidates aux prochaines élections législatives. « C’est un formidable effort », ose affirmer la porte parole de l’U.M.P. Entendez-vous dans cette campagne frémir les mâles candidats ? ! … De son côté, Le Monde a fait une enquête pour savoir s’il y a « une approche féminine du pouvoir ». Il en ressort un tableau d’autant plus contrasté qu’il est question d’époques et de pays différents.
Quel est le sujet, pourtant d’actualité, pourtant omniprésent, qui ne suscite pas d’intérêt chez les journalistes ? Ce sont les violences masculines à l’égard des femmes. Notons, toutefois, que l’Humanité a fait un bref compte-rendu de la 5ème Rencontre de l’Observatoire départemental sur les violences de Seine-Saint-Denis qui pointe la grave insuffisance de solutions politiques concrètes au niveau de la prévention et de l’accueil des victimes. Rien sur les viols massifs, répétés, systématiques des femmes en temps de guerre. Comment interpréter tous ces silences ? Masquer ou taire les rapports de domination, cela fait aussi partie de la domination.
Enfin, c’est en vain que l’on chercherait, dans ces articles, une trace des luttes des femmes à travers le monde. Oubliées, gommées, disparues. Et pourtant, elles existent, ces femmes. Elles vivent, elles s’insurgent. Elles mènent des batailles pacifiques et quotidiennes contre toutes les injustices, contre les mutilations sexuelles, les crimes d’honneur, les lapidations … Ce sont par exemple les Iraniennes qui manifestent, au péril de leur vie contre des lois injustes qui les maintiennent dans l’assujettissement. Ce sont des associations qui affirment que ni la coutume, ni la religion ne peuvent justifier la violation de leurs droits fondamentaux. C’est l’avocate Homa Jahangir qui a créé un forum d’action des femmes au Pakistan et qui n’hésite pas à dénoncer, malgré les menaces, la collusion entre le chef de l’Etat, le général Musharaf, et les islamistes. N’oublions pas non plus celles dont la mémoire obstinée rappelle, sans relâche, que les hommes politiques doivent être jugés pour leurs crimes. C’est la Tchétchène Elsa Moussaeva et son association « Mémorial » qui, révoltées contre tous les mensonges officiels dans le conflit tchétchène, ont entrepris un long travail pour faire en sorte que ces crimes soient portés devant un tribunal international. C’est la Chilienne Viviana Diaz qui mène un travail d’enquête sur « les disparus », les victimes de la clique de Pinochet. Toutes affirment qu’il n’y a pas d’avenir si l’on enfouit un passé sanglant.
Toutes ces femmes et bien d’autres, connues ou inconnues, jour après jour, « font progresser cette mince bande de lumière dans le sombre présent ». (Christa Wolf)
Marie-José SALMON.