Edito janvier 2008

Edito janvier 2008

Edito

Nicolas Sarkozy a une passion pour la génétique dont il prétend faire un usage particulier. Nous n’avons pas oublié les suicidaires génétiquement programmés et les pédophiles soumis à leurs gènes. « La pédophilie c’est génétique », a-t-il affirmé juste avant les élections présidentielles. Déjà à l’époque où il était ministre de l’Intérieur, il avait été sérieusement question de détecter les futurs délinquants dès la maternelle. Le gène, le gène, vous dis-je. Tout ce qui dérange, hop, dans un fichier. Et voilà, le problème est réglé. S’engouffrant dans cette brèche et emporté par son élan, le 15 janvier 2007, Christian Estrosi, ministre délégué à l’Aménagement du Territoire, avait stupéfié ses collègues lors de la réunion des ministres européens de l’Intérieur. Mandé par Nicolas Sarkozy, il avait triomphalement annoncé que les citoyens seraient bien mieux protégés si leurs données ADN étaient recueillies dès la naissance. L’identité humaine définie par les gènes, c’est tellement plus simple ! Un pas de plus est franchi avec les tests ADN destinés, nous dit-on, à stopper la tricherie dans le regroupement familial des étrangers. C’est le tri des bons et des méchants, la discrimination liée à la naissance. « Nous résolvons-nous à ce que la filiation humaine soit ramenée à sa dimension biologique, animale, celle de la transmission des gènes ? » s’indignent Axel Khan et Didier Sicard, anciens membres du Comité Consultatif National d’Ethique.

En fait, dans tous les cas cités, il ne s’agit pas de biologie, mais de biologisme. La stratégie consiste à faire déborder le biologique hors de son cadre pour lui attribuer une causalité directe dans les processus psychiques ou les phénomènes sociaux. Autrement dit, l’infinie complexité de ceux-ci se verrait brutalement réduite à un déterminisme lié aux gènes. Criminels dès le berceau. Cette pensée fixiste (mais est-ce encore une pensée ?) n’a aucun rapport avec la science qui, elle, s’interroge, formule des hypothèses et les vérifie. Elle est le prolongement du scientisme du XIXème siècle qui prétendait régler toutes les questions sociales, philosophiques, psychologiques … par la science. Alors qu’il se prétend l’homme de la rupture, Nicolas Sarkozy se rattache à des croyances archaïques.

Si les féministes sont particulièrement attentives à ces inquiétantes dérives, c’est que les femmes ont longtemps été assignées à une « nature ». La « femme » était considérée comme faible par sa constitution même. Le XIXème siècle s’est ingénié à fabriquer des théories pseudo-scientifiques sur l’infériorité des femmes et sur leur réduction au biologique. « La femme est une matrice. L’homme est un cerveau ». Cette brutale assertion de Michelet a fait fureur bien au-delà du XIXème siècle. Or, cette assignation à une « nature » par définition incapable de changement, on la retrouve dans le discours de Nicolas Sarkozy lors de son voyage à Dakar en juillet dernier. Il y est question de « l’homme africain ». Or, qu’est-ce que l’homme africain sinon une structure vide, désincarnée, dans laquelle le dominant projette ses fantasmes ethnocentriques liés à son ignorance ? « Le drame de l’Afrique » proclamait-il « c’est que l’homme africain n’est pas assez rentré dans l’histoire. Jamais il ne s’élance dans l’avenir ».

Puiser dans un scientisme étriqué et dépassé, c’est surtout le moyen d’éviter de prendre en considération les rapports sociaux dans lesquels nous sommes nécessairement impliqués. Ce détournement de la science est une arme particulièrement dangereuse pour la défense d’intérêts politiques. C’est bien à une épreuve de forces que nous sommes confronté-es.

Marie-Josée SALMON.

L’équipe du Bulletin vous souhaite une bonne année quand même !

Edito

Nicolas Sarkozy a une passion pour la génétique dont il prétend faire un usage particulier. Nous n’avons pas oublié les suicidaires génétiquement programmés et les pédophiles soumis à leurs gènes. « La pédophilie c’est génétique », a-t-il affirmé juste avant les élections présidentielles. Déjà à l’époque où il était ministre de l’Intérieur, il avait été sérieusement question de détecter les futurs délinquants dès la maternelle. Le gène, le gène, vous dis-je. Tout ce qui dérange, hop, dans un fichier. Et voilà, le problème est réglé. S’engouffrant dans cette brèche et emporté par son élan, le 15 janvier 2007, Christian Estrosi, ministre délégué à l’Aménagement du Territoire, avait stupéfié ses collègues lors de la réunion des ministres européens de l’Intérieur. Mandé par Nicolas Sarkozy, il avait triomphalement annoncé que les citoyens seraient bien mieux protégés si leurs données ADN étaient recueillies dès la naissance. L’identité humaine définie par les gènes, c’est tellement plus simple ! Un pas de plus est franchi avec les tests ADN destinés, nous dit-on, à stopper la tricherie dans le regroupement familial des étrangers. C’est le tri des bons et des méchants, la discrimination liée à la naissance. « Nous résolvons-nous à ce que la filiation humaine soit ramenée à sa dimension biologique, animale, celle de la transmission des gènes ? » s’indignent Axel Khan et Didier Sicard, anciens membres du Comité Consultatif National d’Ethique.

En fait, dans tous les cas cités, il ne s’agit pas de biologie, mais de biologisme. La stratégie consiste à faire déborder le biologique hors de son cadre pour lui attribuer une causalité directe dans les processus psychiques ou les phénomènes sociaux. Autrement dit, l’infinie complexité de ceux-ci se verrait brutalement réduite à un déterminisme lié aux gènes. Criminels dès le berceau. Cette pensée fixiste (mais est-ce encore une pensée ?) n’a aucun rapport avec la science qui, elle, s’interroge, formule des hypothèses et les vérifie. Elle est le prolongement du scientisme du XIXème siècle qui prétendait régler toutes les questions sociales, philosophiques, psychologiques … par la science. Alors qu’il se prétend l’homme de la rupture, Nicolas Sarkozy se rattache à des croyances archaïques.

Si les féministes sont particulièrement attentives à ces inquiétantes dérives, c’est que les femmes ont longtemps été assignées à une « nature ». La « femme » était considérée comme faible par sa constitution même. Le XIXème siècle s’est ingénié à fabriquer des théories pseudo-scientifiques sur l’infériorité des femmes et sur leur réduction au biologique. « La femme est une matrice. L’homme est un cerveau ». Cette brutale assertion de Michelet a fait fureur bien au-delà du XIXème siècle. Or, cette assignation à une « nature » par définition incapable de changement, on la retrouve dans le discours de Nicolas Sarkozy lors de son voyage à Dakar en juillet dernier. Il y est question de « l’homme africain ». Or, qu’est-ce que l’homme africain sinon une structure vide, désincarnée, dans laquelle le dominant projette ses fantasmes ethnocentriques liés à son ignorance ? « Le drame de l’Afrique » proclamait-il « c’est que l’homme africain n’est pas assez rentré dans l’histoire. Jamais il ne s’élance dans l’avenir ».

Puiser dans un scientisme étriqué et dépassé, c’est surtout le moyen d’éviter de prendre en considération les rapports sociaux dans lesquels nous sommes nécessairement impliqués. Ce détournement de la science est une arme particulièrement dangereuse pour la défense d’intérêts politiques. C’est bien à une épreuve de forces que nous sommes confronté-es.

Marie-Josée SALMON.

(Extrait du Bulletin du Réseau Féministe « Ruptures » n° 300 – janvier 2008)

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