Présentation du livre de Jules Falquet
« Géopolitique : Féministes dans le monde »
Présentation du livre de Jules Falquet
« De gré ou de force. Les femmes dans la mondialisation »
Editions La Dispute, 2008
par Marie-Josée Salmon et Monique Dental
(Article paru dans le journal L’Humanité le 3 juillet 2008
Rubrique « Idées Géopolitique » page 17)
Sociologue et militante, Jules Falquet adopte une perspective, trop souvent mal prise en compte, celle des femmes et des féministes latino-américaines et caribéennes pour analyser les dégâts causés par la mondialisation néolibérale.
Elle déconstruit et sape la rhétorique de la légitimation du néolibéralisme, présenté par ses tenants, comme un progrès, notamment pour les femmes, car il permettrait un plus grand accès au marché et donc à l’égalité entre les sexes. Or, ce dernier est loin d’être satisfaisant pour « celles qui ne sont ni blanches ni aisées » ; de plus, « il s’inscrit dans un durcissement des rapports sociaux de sexe ». Ainsi, la mondialisation néolibérale est la source de la prolifération « des hommes en arme » au détriment « des femmes de service » (emplois de domestiques, expansion de l’industrie du sexe …).
Au cœur du système s’affairent les grandes organisations internationales : la Banque mondiale, le Fonds Monétaire International (FMI). L’auteure scrute tout particulièrement l’attitude ambivalente, voire la duplicité de l’ONU. Celle-ci, en effet, se présente comme préparant une sorte de « bonne gouvernance mondiale participative ». Dans les faits, elle s’appuie sur les savoirs et l’expérience de certaines organisations pour en faire, moyennant quelques concessions, des piliers du néolibéralisme. C’est aussi un moyen de neutraliser les mouvements de révolte. L’écart grandissant entre les discours des Nations Unies et les inégalités structurelles (tant sociales qu’économiques et institutionnelles dont sont victimes les femmes, en particulier dans les pays du Sud, constitue la preuve d’une soumission aux diktats de la mondialisation néolibérale. Ce constat s’appuie sur l’étude de plusieurs cas, en particulier celui du microcrédit. Alors qu’il prétend lutter contre « la paupérisation », il appauvrit la plupart des femmes et renforce le modèle néolibéral, cause de leur appauvrissement.
Le dernier chapitre de cette étude opère un changement de perspective ; il est consacré aux mouvements sociaux « progressistes » qui tentent de s’opposer à l’expansion néolibérale. Sont analysés la guérilla salvadorienne du Front Farabundo Marti (entre 1981 et 1992), le Mouvement néo-zapatiste mexicain, le Mouvement des sans-terres, apparu au Brésil à partir des années 1980.Tous ont connu une participation importante des femmes. Or, l’auteur constate que même si les rapports sociaux de sexe ont été partiellement modifiés dans le sens d’une plus grande égalité, les vieilles structures patriarcales ont la vie dure (division sexuelle du travail, conception de la famille …). Ainsi, « ces mouvements gagneraient à opérer un retour réflexif sur leurs pratiques ».
En adoptant le regard d’ailleurs, celui des femmes et des féministes d’Amérique Latine où elle a fait de nombreux séjours, l’auteure critique la notion de « développement » telle qu’elle est présentée par les chantres du néolibéralisme et dévoile l’instrumentalisation des femmes.
Un livre qui offre des perspectives nouvelles, à découvrir de toute urgence.
(Monique DENTAL, fondatrice du Collectif de Pratiques et de Réflexions Féministes « Ruptures », elle anime ses activités en réseau dans la mixité ; Marie-Josée SALMON, présidente du Collectif en exercice).
Contacts : monique.dental@orange.fr
Site : http://www.reseau-feministe-ruptures.ras.eu.org