Edito Décembre 2008
Pour la première fois depuis 1945 les crédits de l’Education nationale (hors coûts des pensions de retraite) sont en baisse en euros constants. Le budget 2009, voté le 4 novembre dernier, se caractérise par des suppressions massives d’emplois (13 500 postes dont 5 000 dans le Second degré) et par une inquiétante baisse des crédits.
Ces coupes s’inscrivent dans le démantèlement programmé du service public d’éducation. Mode d’emploi :
· Taillez à la machette les postes d’enseignants : 8 700 en 2007, 11 200 en 2008.
· Découpez les programmes en fines lamelles.
· Dégraissez les morceaux : suppression prévue des RASED (Réseau d’Aides Spécialisées aux Elèves en Difficulté) associant psychologues, éducateurs et maîtres du primaire.
· Passez les professeurs à la moulinette jusqu’à obtenir une pâte lisse : jeunes enseignant-es débutant-es à cheval sur deux, trois voire quatre établissements ; mise en cause du « carcan des statuts » ; alourdissement de la charge de travail.
· Laissez gonfler les effectifs par classe.
· Introduisez une dose de privé : le Plan Espoir Banlieue finance la création de cinquante classes, confiée à l’école privée, essentiellement catholique, et ceci en dehors du cadre législatif de la loi Debré. Pour la première fois, l’Etat n’aide plus seulement le fonctionnement de l’école privée, mais finance son développement ; ce n’est qu’un début. Emmanuelle Mignon, conseillère de Nicolas Sarkozy, n’a-t-elle pas déclaré : « Je suis pour une privatisation totale de l’Education nationale ». (Le Monde 3 septembre 2004)
· Faire fondre le droit de grève : la loi sur le service minimum a rendu obligatoire le service d’accueil lorsque plus de 25 % des enseignant-es du primaire sont en grève.
· Surveillez les moindres frémissements en évitant les gros bouillons : un appel d’offres à été lancé en octobre dernier par le Ministère de l’Education nationale pour instituer une « veille de l’opinion ». Il s’agit d’ »identifier les sources stratégiques structurant l’opinion, d’anticiper et d’évaluer les risques de contagion et de crise ». Le Canard Enchaîné du 19 novembre 2008 y sent « des relents de rapports de police et de feu le fichier EDVIGE » et il ajoute : « le coût du contrat – 200 000 euros – quand l’argent manque pour recruter des profs et sauver les RASED est perçu comme indécent ».
· Ajoutez un sachet – même périmé – de railleries méprisantes : « Le monde et la France avancent plus vite que les cortèges, les professeurs méritent mieux que d’avoir des syndicats dont la fonction principale est d’organiser la résistance aux changements comme si le monde ne changeait pas autour de nous », tels sont les propos tenus par le ministre le jour de la grève (jeudi 20 novembre).
Certes le monde change. En pire. Dégraissage et flicage. Dans leur ouvrage récent, « Main basse sur l’école publique » Muriel Fitoussi, journaliste, et Eddy Khaldi, enseignant, démontrent que les différentes réformes, en apparence éparses, sont inspirées par « la Sainte Alliance des défenseurs d’une école marchande et des traditionnalistes rêvant de voir les églises retrouver leur monopole perdu depuis plus d’un siècle ». « Le néolibéralisme, écrivait le sociologue Pierre Bourdieu, est un programme de destruction des structures collectives capables de faire obstacle à la logique du marché pur ». L’O.C.D.E. (Organisation de Coopération et de Développement Economiques), citée par Le Monde Diplomatique en 2003, prodigue à ce sujet de bons conseils : « Si on diminue les dépenses de fonctionnement, il faut veiller à ne pas diminuer la quantité de services rendus, quitte à ce que la qualité baisse (…) Les parents réagiront violemment à un refus d’inscription de leurs enfants, mais non à une baisse graduelle de la qualité de l’enseignement ».
Face à un tel cynisme, face à l’entreprise de démolition du service public d’éducation, plus que jamais s’impose la Résistance.
Marie-Josée SALMON.
(Extrait du Bulletin du Réseau Féministe « Ruptures » n° 299 – décembre 2008)