Communiqué du 26 avril
Les féministes, parce qu’elles savent qu’il existe une articulation entre oppression raciste et oppression sexiste ont toujours lutté contre l’extrême droite. Le racisme et le sexisme s’appuient sur des mécanismes identiques : le biologisme, l’appropriation, l’instrumentalisation voire la destruction de l’autre. Plus que jamais il nous faut donc faire barrage au Front National.
Les résultats atterrants des élections ne doivent pas nous faire oublier les luttes qui ont été menées contre les mouvements d’extrême droite au cours de ces dernières années. Ainsi, pendant la 4ème Conférence mondiale sur les droits des femmes à Pékin en 1995, les féministes ont dû affronter – y compris physiquement – la collusion entre les intégrismes religieux et les mouvements d’extrême droite qui y étaient présents. Face au danger que ces organisations représentaient, un Réseau international s’est mis en place pour en dénoncer les exactions et organiser la riposte. En France, des associations comme le Collectif national pour les droits des femmes, Prochoix … continuent leur travail de dénonciation en analysant et en mettant en évidence les mécanismes de reproduction de l’oppression des femmes dans l’idéologie du Front National ; de plus, des études ont été menées par Fiametta Venner, Claudie Lesselier et Caroline Fourest qui dévoilent l’instrumentalisation des femmes militantes au sein de ce parti.
Rappelons que plusieurs manifestations ont eu lieu en 1997-98 dont celles du Collectif pour les droits des femmes dénonçant « les idéologies raciste, fasciste, sexiste, homophoble, lesbophobe du Front National et ses complices » et celles du Comité de lutte et de vigilance contre l’extrême droite « Contre les idées et les pratiques du Front National ». Et ce n’est pas un hasard si au cours de cette période, le mouvement des « Sans-papiers » a appelé à intensifier la solidarité pour obtenir leur régularisation : « Tous ensemble pour l’égalité des droits ».
Or, toutes ces luttes n’ont pas débouché sur des mesures concrètes, traduites dans des programmes politiques répondant aux aspirations des plus démunis. A cet égard, la situation des femmes n’est pas particulière, elle est la photographie grossissante des graves dysfonctionnements, des inégalités croissantes dans la société, en cela elle est annonciatrice d’un avenir inquiétant pour l’ensemble de la société. C’est parce que les politiques ne veulent pas prendre en considération cette donnée, que la transformation en profondeur de la société ne saurait provenir des partis politiques tels qu’ils sont, et d’eux seuls.
Construire une digue ne suffit pas : c’est tout le système démocratique qui doit être repensé, débattu et reconstruit sur de nouvelles bases. « L’Etat ne saurait se prendre pour la Nation alors qu’il est à son service et que trop souvent il a ignoré ou violenté les citoyens » avertissait déjà l’historienne Suzanne Citron en 1987. La Nation n’est pas « une et indivisible » mais composée de groupes d’individus divers dont les voix doivent être entendues et écoutées. Or, des membres de la société civile ont formulé des pistes qui posent des questions sur le fonctionnement actuel de la démocratie et sur sa conception : la politique peut-elle se confiner à la seule démocratie représentative ? Quel rôle devrait jouer la démocratie participative ? Quels types de liens seraient à construire pour maintenir et faire vivre le débat politique en dehors des consultations électorales ? … Il est urgent de répondre. Mais ce sera insuffisant si, face à la montée de la droite et de l’extrême droite dans certains pays européens, cela ne s’accompagne pas d’une réflexion permettant de trouver les solutions susceptibles de bouleverser les options libérales de l’Europe dans le domaine économique.
Paris, le 26 avril 2002.
Marie-Josée Salmon et Monique Dental.
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