Edito de janvier
Edito
Une année s’achève pendant laquelle on a dressé des murs ou renforcé les anciens à l’intérieur des villes, entre les pays. Murs de la peur, du repli. Melilla (ville espagnole du Maroc) est barrée par une muraille de six mètres de haut. En Irak, à Bagdad, les Américains ont dressé des barricades pour séparer les quartiers à majorité chiite de ceux peuplés surtout de sunnites. Au mois d’août, la municipalité de Padoue (Italie) a élevé un mur d’acier en quelques heures pour établir une frontière entre la zone habitée essentiellement par des étrangers (trafic de drogue, a-t-on dit) et les quartiers « convenables ». Quant au Président Bush, il a promulgué la loi qui financera la clôture de la frontière américano-mexicaine sur 1120 km. Techniques modernes au service d’un esprit moyenâgeux.
Cependant, durant ces mois écoulés, d’autres ont lancé les ponts, les passerelles de la solidarité transnationale. Ainsi se sont tissées des liens entre le Burkina Faso et la France pour soutenir les ouvrières d’une filiale du groupe Yves Rocher « La Gacilienne ». Celles-ci ont mené un combat exemplaire contre leur licenciement sans aucune indemnité. La main-d’œuvre féminine est recherchée car, étant nouvelle, elle n’a pas de tradition de lutte. Une aubaine, pensaient les employeurs. Mais, voilà que les Gaciliennes ont eu l’audace de se syndiquer et, pendant quatre mois, elles ont lutté, soutenues en France par la Coordination des Groupes Femmes Egalité, par d’autres associations et des syndicats. Harcelé par de multiples campagnes dans notre pays et face à la détermination des ouvrières, le groupe Yves Rocher a été contraint de verser l’équivalent de trente mois de salaire brut. Du jamais vu au Burkina Faso où les employeurs jouent sur la misère (l’espérance de vie des femmes est de 47 ans) et les divisions.
Pour faire connaître leur lutte, des Gaciliennes sont venues en janvier 2006 au Forum Social Mondial de Bamako (Mali) où, pour la première fois, des Africain-es ont débattu de leurs problèmes au niveau du continent. L’endroit le plus bouillonnant d’idées a été le Palais de la Culture investi par les femmes. Débats multiples aux thèmes variés : souveraineté alimentaire, privatisation des services publics, femmes du Sud et pouvoir, corruption, violences faites aux femmes …
Transnationale aussi, la Marche Mondiale des Femmes contre les Violences et la Pauvreté. Réunie en juillet à Lima (Pérou), elle a établi quatre champs d’actions pour les quatre prochaines années : la violence envers les femmes comme outil de contrôle du corps et de la vie des femmes ; femmes au travail ; accès aux ressources, à la biodiversité et à la souveraineté alimentaire ; paix et démilitarisation. Rappelons que la Marche Mondiale, organisée au départ par des associations de base de mouvements de femmes et de féministes et coordonnée par la Fédération des Femmes du Québec, avait lancé simultanément, en 2000, de multiples formes d’actions collectives dans une cinquantaine de pays. Les revendications de la Marche opèrent le lien entre les dimensions socio-économiques des besoins des femmes et les dimensions socio-domestiques sur la base de la notion de droits humains. Ses actions concertées à l’échelle mondiale s’inscrivent dans la lutte altermondialiste en y apportant une approche féministe. Les chemins s’inventent en avançant.
A l’instar de l’Espagne qui s’est dotée d’une loi organique contre la violence de genre, le Collectif National pour les Droits des Femmes a impulsé une réflexion sur le caractère systémique de ces violences et la rédaction d’une loi-cadre qui prend en compte l’ensemble des violences : violences dans la famille et le couple, au travail, dans les lieux publics, violences lesbophobes, prostitution …
Monique DENTAL et Marie-Josée SALMON
(Extrait du Bulletin du Réseau Féministe « Ruptures » n° 280 – Janvier 2007)