Lutter contre les violences faites aux femmes: un défi politique
A l’occasion de la Journée internationale pour l’éradication de la violence à l’égard des femmes, Danielle Bousquet, députée (PS) des Côtes d’Armor, et Fatima Lalem, adjointe au maire de Paris, réclament «une prise de conscience collective» qui «implique de remettre en question stéréotypes et rapports de domination».
Les chiffres publiés cette semaine par l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales ne peuvent que nous effarer: près de 222.000 femmes sont victimes chaque année de violences sexuelles.
Dans notre pays où une femme meurt tous les deux jours et demi sous les coups de son compagnon, en dépit des discours de bonnes intentions et des effets d’annonce, la faiblesse des plans et des efforts mobilisés aujourd’hui montrent que les violences faites aux femmes ne sont pas considérées comme une priorité politique.
Cessons de considérer ces violences comme des faits divers isolés et appréhendons-les pour ce qu’elles sont: un problème sociétal d’importance majeure, qui touche tous les milieux et toutes les cultures, un fait social lourd qui trouve son origine dans la domination du masculin et la perpétuation d’un système patriarcal. Il est primordial de rappeler que lutter contre les violences faites aux femmes implique de remettre en question stéréotypes et rapports de domination tant au niveau individuel que collectif car ils engendrent et légitiment ces violences.
Mais une fois ce constat fait, il faut, naturellement des moyens pour faire changer les choses. Or, il semble évident que les pouvoirs publics n’ont pas pris la mesure de l’enjeu.
Même si l’on est loin de la loi-cadre votée en Espagne contre les violences faites aux femmes, des progrès ont été réalisés dans notre arsenal législatif grâce, en particulier, à la mobilisation sans faille de quelques associations et parlementaires convaincus: loi de 2006 sur les violences conjugales, loi du 9 juillet 2010 créant une ordonnance de protection des victimes protégeant les femmes avant ou après leur dépôt de plainte et inscrivant dans les textes les violences psychologiques… mais encore faut-il que ces lois soient vraiment appliquées et que soient mis en place de véritables outils d’évaluation permettant d’observer un suivi des dispositifs adoptés.
Mais le fléau que constitue les violences faites aux femmes n’est toujours pas appréhendé comme une question majeure dans les politiques publiques. En témoigne les campagnes d’information bien trop insuffisantes et irrégulières ou encore l’insuffisance de formations à destination des professionnels et en premier lieu celles et ceux qui sont censés assurer un accompagnement des victimes (justice, police, médecins, travailleurs sociaux).
Autres éléments révélateurs du fossé entre l’affichage politique et la réalité du terrain, la réduction des financements aux centres d’hébergement accueillant des femmes victimes de violences et celles en grande précarité, comme nous avons pu le voir cet été à Paris avec les restrictions budgétaires imposées au Samu Social, et l’affaiblissement du réseau associatif sur lequel reposent les actions concrètes d’aide aux femmes victimes de violences. Les associations qui assurent l’accueil, la protection et la mise à l’abri des femmes victimes de violences ont en effet subi une baisse drastique de leurs subventions et doivent aujourd’hui se débattre au quotidien pour boucler un budget de survie.
L’autre effet pervers de cette inaction politique est que les femmes courageuses qui osent porter plainte contre les auteurs de violences ne peuvent voir que leur sentiment d’isolement croître quand elles se heurtent à ce «flagrant délit de non application» des lois par les pouvoirs publics.
L’absence d’une réelle volonté politique pour lutter contre les violences sexistes transparaît aussi clairement dans la quasi-inaction de l’Etat dans le champ éducatif. Dans une société où les jeunes sont fortement impactés par ces violences, comme l’actualité tragique nous l’a encore montré ces derniers jours, il y a une absolue nécessité de mettre en place des actions conséquentes de prévention contre les violences sexistes et d’éducation à l’égalité entre les sexes et ce dès le plus jeune âge.
En ce 25 novembre, c’est donc à une véritable prise de conscience collective que nous en appelons: lutter contre les violences faites aux femmes est un défi politique et un enjeu démocratique fondamental dont les pouvoirs publics doivent se saisir sans attendre.
(Extrait de Médiapart, 25 novembre 2011)