« Immigrées et filles d’immigrés : le recul des mariages forcés »
« Immigrées et filles d’immigrés : le recul des mariages forcés »
Les mariages forcés sont-ils fréquents en France ? Baissent-ils ou augmentent-ils ? Qui sont les personnes concernées ? Aucune enquête quantitative récente ne permettait jusqu’alors de répondre. C’est désormais le cas avec l’enquête Trajectoires et Origines, de l’Ined et l’Insee, qui a recueilli des informations sur les conditions dans lesquelles les personnes interrogées se sont mariées, permettant de repérer les cas de mariage « non consenti ». Christelle Hamel, de l’Institut national d’études démographiques, nous donne ici les premiers résultats concernant les immigrées et les filles d’immigrés.
Un mariage « non consenti » s’entend dans cette enquête comme un mariage non souhaité, initié par le conjoint ou la famille et imposé par des pressions familiales d’ordre psychologique, social ou physique. Les femmes immigrées ayant entre 51 et 60 ans sont 9 % à avoir été mariées contre leur gré lors de leur première union. La fréquence est moindre chez les immigrées plus jeunes (2 % pour les 26-30 ans) et chez les filles d’immigrés (1 % des 26-30 ans). On constate donc un recul de ces mariages non consentis. Pour la très grande majorité des femmes immigrées et plus encore des filles d’immigrés, le mariage est le résultat d’une décision individuelle prise librement.
Les parents qui imposent un mariage à leur fille se distinguent par un très faible niveau de scolarisation et se trouvent davantage dans certains courants migratoires. Les mariages non consentis sont plus fréquents parmi les femmes originaires de pays dans lesquels le célibat est réprouvé et la sexualité pré-maritale prohibée, ce qui interdit de fait le concubinage. C’est le cas de la Turquie, du Maghreb et de l’Afrique sahélienne. Les femmes venues de ces pays sont les plus exposées aux mariages non consentis, avec des taux variant de 11 % à 15 % dans la génération ayant entre 41 et 60 ans en 2008, et de 4 % à 8 % dans celle des 26-40 ans. À âge égal, la génération des filles d’immigrés est moins exposée, à l’exception notable des filles d’immigrés turcs pour lesquelles le taux est similaire. On constate cependant que le phénomène existe aussi en Europe, y compris en France.
Chez les immigrées, le mariage imposé est arrangé par les parents et concerne surtout de très jeunes femmes, mariées dans la précipitation. Pour les filles d’immigrées, la situation est différente. Le mariage doit « régulariser » une grossesse non prévue, plutôt qu’imposer un conjoint : 22 % des mariées sans leur consentement avaient déjà un enfant au moment de leur mariage, et 35 % ont accouché la même année (enfant probablement conçu avant le mariage), soit un total de 57 %, contre 27 % des femmes ayant choisi leur conjoint.
Christelle Hamel, contact tél : 01 56 06 20 17, christelle.hamel@ined.fr _ Site des Éditions de l’INED