La Fédération internationale de football veut modifier son règlement pour autoriser le port du voile sur le terrain lors des compétitions chez les filles
La Fédération internationale de football veut modifier son règlement pour autoriser le port du voile sur le terrain lors des compétitions chez les filles. Une perspective qui fait bondir les féministes.
Vincent Mongaillard ET Farid Zouaoui | Publié le 19.03.2012, 07h38
Ces footballeuses de l’équipe nationale d’Iran jouent avec voile, maillots à manches longues et shorts longs. | (AFP/AMIR POORMAND.)
Sport et religion vont devoir apprendre à cohabiter. Après avoir longtemps résisté, le Board, organe garant des lois du football, a accepté le 3 mars le principe du port du voile par les footballeuses dans les compétitions de la Fédération internationale (Fifa). Cette modification de son règlement, qui exclut toute forme d’expression politique ou religieuse sur les terrains, devrait être entérinée le 2 juillet.
Elle a été réclamée par Ali bin al-Hussein, frère du roi de Jordanie et vice-président de la Fifa.
Sous réserve de l’examen des questions de santé et de sécurité (quel genre de voile peut être autorisé?), on se dirige donc vers son adoption. « Nous sommes heureux de permettre aux femmes du monde entier d’avoir accès au football », s’est réjoui Jérôme Vacke, secrétaire général de la Fifa.
Par la voix de sa présidente Annie Sugier, la Ligue du droit international des femmes a vivement réagi. « On est en train de perdre la bataille de l’universalité du sport, déplore-t-elle. Derrière cette décision se cachent le mépris des femmes et la suprématie de l’argent. Les gens de la Fifa et du CIO (Comité international olympique) ont cédé face au diktat de l’Iran, car ils sont achetés! »
Prudence du ministère des Sports
A la Fédération française (FFF), dont l’article 1 des statuts interdit ce genre de situation, aucun responsable n’a souhaité s’exprimer publiquement. « Ce serait une connerie de nier les valeurs du foot, confie-t-on néanmoins anonymement. Sous couvert d’ouverture, on va trop loin. » Même prudence au ministère des Sports, où « on n’a eu aucune remontée de la part des fédérations sur ce sujet ». Quant aux clubs, ils jugeront sur pièce. A l’image de l’ES XVIe, club parisien. « Le plus important est l’unité des différentes communautés et la mixité sociale. Mais on reste à l’écoute des joueuses », affirme Patrice Bardin, président de la section féminine.
« En France, d’un strict point de vue de la loi, une joueuse peut porter un voile », précise-t-on au ministère de l’Intérieur. En effet, la loi interdisant le port de signes religieux ostensibles du 15 mars 2004 ne concerne pas les enceintes sportives. En revanche, et en vertu de la loi de 2011 qui interdit de dissimuler son visage dans l’espace public, aucune chance de voir sur un terrain une footballeuse vêtue d’une burqa ou d’un niqab…
ASMA GUENIFI présidente de Ni putes ni soumises : « Une régression totale »
A la tête de l’association féministe depuis trois mois, Asma Guenifi, 36 ans, considère le port du voile comme un enfermement.
Pourquoi dénoncez-vous le projet de la Fifa?
ASMA GUENIFI. Parce que le foulard est une régression totale, parce qu’on touche là à la dignité des femmes. C’est le signe d’une domination masculine. Le plus grave, c’est que cette décision vient d’en haut. Ça commence par le foot et ça se termine par tous les sports. Je pense que la Fifa est influencée par un lobbying intense des pays riches du Moyen-Orient, notamment le Qatar. Il y a là un revirement, car son règlement est très clair.
Pouvoir jouer au foot même la tête couverte dans des pays où le voile est de rigueur, n’est-ce pas déjà un début d’émancipation?
Non, une fille qui pratique un sport doit respecter des règles. On se doit d’être en phase avec certaines valeurs et le sport véhicule des symboles universels. Souvenez-vous de l’athlète algérienne Hassiba Boulmerka aux JO de Barcelone en 1992. Elle avait été menacée par les islamistes, car elle avait couru en short. Elle avait répondu que ça lui ne viendrait pas à l’esprit d’entrer dans une mosquée avec un short, mais que sur une piste d’athlétisme, elle respectait les règles.
La décision de la Fifa, si elle est entérinée, peut-elle avoir des conséquences en France?
Oui, ce serait dramatique par rapport à la symbolique. Certaines filles des quartiers pourraient se dire « Avec mon foulard, je peux faire tout ce que je veux. » Ce serait une porte ouverte à tous les excès.