Décès de Rita THALMANN
Décès de Rita THALMANN
Rita Thalmann est décédée ce dimanche matin 18/8 à l’hôpital Saint Joseph Paris 14ème des suites d’une leucémie. Les obsèques ont eu lieu au carré juif du Cimetière de Montparnasse avec
– la famille (frère ALFRED Thalmann et ses deux filles, nièces de Rita )
– les représentants de LICRA, Institutions juives historiques, UNESCO, des militantes féministes, des amis
– Christiane TAUBIRA, Garde des sceaux et ministre de la justice alertée par ATALANTE Vidéos était présente pour lui rendre hommage .
Un texte de Michèle PERROT a été lu par Catherine KRIEGEL ainsi que l’hommage de ses combats par Denise BRIAL.
Michèle PERROT informée de son état par ATALANTE a eu le temps de parler avec elle dans un échange ultime qui l’a réconfortée dans sa lente agonie finale. Daniel BENSOUSAN, jeune journaliste ami de Rita, l’a accompagnée jusqu’au bout et nous a informées quotidiennement de son état.
En Juin 2011, ATALANTE Vidéos Féministes a projeté à l’auditorium de l’Hôtel de Ville de Paris et en sa présence :
« Rita THALMANN : jusqu’au bout du chemin » Documentaire autobiographique et historique »
réalisation : Denise BRIAL, DVD , 68 mn , couleur et N/B , 25 euros
distribué et en vente par l’association Atalante vidéos féministes
contact : denise.brial@sfr.fr / 0611612169
« Historienne du nazisme, Rita Thalmann »
Article paru dans l’Edition du 20.08.13
ita Thalmann était une historienne du nazisme et une femme de conviction. Tout commença à Nuremberg – elle intitula ainsi ses mémoires – où elle naquit le 23 juin 1926. Elle grandit dans cette ville qu’« Hitler considérait comme l’incarnation la plus achevée du génie germanique ». Son père, Nathan, s’y était installé après la Grande Guerre, où son courage lui avait valu la Croix de fer, et y avait créé une entreprise de laine et de textile en gros. Il épousa Hélène Hausmann, originaire d’une famille juive de stricte observance de Bâle. Rita Thalmann respecta la pratique religieuse dans laquelle elle avait été éduquée jusqu’aux années 1950 avant d’évoluer vers un judaïsme laïc.
La famille fut contrainte à l’exil avec l’arrivée d’Hitler au pouvoir. Après un bref séjour à Bâle, elle se fixa à Dijon. Elle connut, comme tous les exilés juifs allemands, les difficultés matérielles et l’angoisse des réfugiés au statut précaire et aux droits restreints. A la déclaration de guerre, Nathan fut interné comme tous les ressortissants ou ex-ressortissants des pays ennemis. La mère tomba malade, fut hospitalisée à l’hospice psychiatrique de Dijon. Elle y mourut comme beaucoup d’autres malades à cette époque de pénurie extrême. Nathan, Rita et son frère aîné passèrent clandestinement la ligne de démarcation et trouvèrent refuge dans la région de Grenoble. Nathan y fut arrêté, déporté et assassiné à Auschwitz en octobre 1943.
Alfred et Rita étaient passés clandestinement en Suisse. Ils y furent internés trois mois dans un camp avant de pouvoir rejoindre à Bâle leur famille maternelle. Rita Thalmann commença à s’occuper d’enfants. Elle travailla après la Libération pendant trois années dans des maisons d’enfants de stricte observance de l’Œuvre de secours aux enfants (OSE) tout en reprenant des études que la guerre avait interrompues. Elle passa ses deux baccalauréats à Strasbourg. A la rentrée scolaire 1948, elle est institutrice à l’école Yabne à Paris et s’inscrit à la Sorbonne. Elle choisit la germanistique : « Après ce que nous avions vécu, je ressentais le besoin de comprendre comment cette Allemagne, à l’avant-garde de la culture, des sciences et des techniques, avait pu engendrer le national-socialisme, détruire l’existence de millions d’êtres – donc celle de notre famille – et sombrer progressivement dans un tel degré de déshumanisation. »
Professeure certifiée puis agrégée, elle enseigna pendant quinze ans dans le secondaire, tout en menant à bien sa thèse d’Etat parue sous le titre Protestantisme et nationalisme en Allemagne de 1900 à 1945 (Klincksieg, 1976). Professeure des universités à Tours, elle termina sa carrière à l’université Paris-VII. Elle consacra ses travaux à l’histoire du nazisme, avec un ouvrage sur La Nuit de cristal (Laffont, 1972), et surtout La Mise au pas : idéologie et stratégie sécuritaire dans la France occupée 1940-1944 (Fayard, 1991). Ce fut la première étude en français présentant l’ensemble des politiques allemandes, leurs structures, leurs objectifs, celles des militaires, de l’ambassade, de la police allemande (SD) à Paris comme en province.
Féministe de coeur, Rita Thalmann le devint de raison à la lecture dès sa parution en 1949 du Deuxième Sexe, de Simone de Beauvoir. Elle plaida inlassablement pour que les femmes fussent intégrées à l’écriture de l’histoire, ce qu’elle fit avec Etre femme sous le IIIe Reich (Laffont, 1982). Au mitan des années 1980, elle créa et anima à l’université Paris-VII le séminaire « Sexe et race ».
Rita Thalmann fut une militante, surtout associative : elle ne trouva jamais sa place dans les formations politiques. Comme tant d’autres, elle avait rejoint le Parti communiste qu’elle quitta au moment de l’affaire Slanski et du « complot des blouses blanches ». Car le combat contre l’antisémitisme et le racisme fut une constante de sa vie. « L’empreinte », selon ses termes, de son histoire familiale l’accompagna dans tous ses engagements. A la fin de sa vie, elle était membre d’honneur de la Licra et représentait auprès de l’Unesco le B’nai B’rith.
Avec elle disparaît une des dernières historiennes qui, comme Léon Poliakov ou Raul Hilberg, a « vécu l’avènement du nazisme et le bouleversement qu’il a provoqué dans nos vies ».
Annette Wieviorka