Proposition de loi relative à l’autorité parentale

Proposition de loi relative à l’autorité parentale

Paris, le 15 mai 2014

Madame, Monsieur,

Le 19 mai sera débattue à l’Assemblée nationale, en première lecture, la « proposition de loi
relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant ». Cette proposition de loi a pour
objectif de s’adapter aux nouvelles configurations familiales à l’œuvre dans la société
française et « d’apporter des réponses pragmatiques et les outils juridiques pour garantir
l’intérêt de l’enfant dans les situations du quotidien comme en cas d’accident de la vie ».

L’ambition est louable et une partie des éléments contenus dans la proposition de loi
permettront effectivement de résoudre quelques situations concrètes. Néanmoins, le Planning
Familial ne peut se satisfaire de cette proposition de loi a minima, manifestement taillée pour
ne pas heurter la frange la plus conservatrice de la population. Ses réserves portent sur
plusieurs points.

Tout d’abord, les dispositions de la proposition de loi qui concernent le renforcement de
l’exercice conjoint de l’autorité parentale spécifient que tout acte relatif à l’autorité parentale,
qu’il ait un caractère usuel ou important, requiert un accord des deux parents. Il est également
prévu que la résidence du domicile de l’enfant soit fixée désormais chez chacun des deux
parents, qu’un mécanisme d’amende civile soit appliqué en cas de non respect par un parent
des prérogatives de l’autre parent, et que le recours à la médiation entre les deux parties soit
développé. Or ces différentes mesures nous semblent beaucoup trop décontextualisées eu
égard à la question des inégalités économiques entre femmes-hommes et des possibles
violences au sein du couple.

En l’état de la proposition de loi, seul l’article 4 inclut une exception au principe de l’accord
exprès des deux parents, pour des actes tels que le changement d’établissement scolaire ou de
résidence de l’enfant, « lorsque l’un des parents a été condamné pour des faits de violence à
l’encontre de l’autre parent ». Mais quid de toutes les femmes victimes de violences encore
sous l’emprise de leur ex compagnon ou qui sont oppressées par des pensions alimentaires
non payées, de celles qui n’osent se pourvoir en justice par crainte de représailles ou dont les
plaintes n’ont pas encore abouti à une condamnation ? Et comment ne pas considérer que
l’amende civile ne pénalise et ne dissuade pas de la même manière les femmes et les hommes
qui s’y exposent. De même, les parlementaires ne peuvent ignorer que le recours à des
professionnels du droit (avocats, juges, médiateurs…) pour faire appliquer la loi, notamment
en cas de conflit, a un coût et qu’il pèse de façon disproportionnée sur les femmes. Il importe
que ces différents manques soient considérés avec vigilance et la loi soit précisée en
conséquence.

Par ailleurs, si Le Planning Familial considère lui aussi qu’il est important de « reconnaître
toute leur place aux tiers (…) qui concourent à l’éducation des enfants », il estime que le
pragmatisme mis en avant par les auteurs de la proposition de loi est sélectif et boiteux, ne
s’adaptant pas à la réalité de l’ensemble des reconfigurations familiales actuelles. La création
du mandat d’éducation quotidienne permettant au tiers d’accomplir les actes usuels de
l’autorité parentale est soumise à des conditions qui sont contestables. Le tiers désigné est
défini comme « concubin, partenaire ou conjoint avec lequel (la personne mandante) réside de
façon stable » ; le mandat nécessite l’accord des deux parents et peut être révoqué à tout
mandant et il prend fin de plein droit en cas de rupture de la vie commune ou de décès du
mandant. Ces différents éléments témoignent du primat accordé au lien biologique et d’une
incapacité à concevoir d’autres modes de parentalité et valoriser un modèle éducatif autre que
calqué sur celui de la famille traditionnelle.

Puisque la figure du « beau-parent » est centrale dans cette proposition de loi, Le Planning
familial souhaite également souligner les difficultés spécifiques qu’elle soulève s’agissant de
la reconnaissance des « beaux-parents » homosexuels. Les préjugés pesant à l’encontre de
l’homoparentalité sont tenaces et parfois intégrés par les tribunaux eux-mêmes (voir le
jugement récent du TGI de Versailles à l’encontre d’une femme lesbienne demandant
l’adoption de l’enfant porté par sa conjointe). Dans la pratique, il est donc fort probable que le
mandat d’éducation quotidienne sera plus difficilement accessible aux tiers homosexuels : le
fait que l’éventualité de l’homosexualité du tiers ne soit nommée nulle part dans cette loi ne
les protègera pas.

Pour le reste, la proposition de loi ne règle aucunement toutes les situations concrètes
(procréation médicalement assistée avec donneur anonyme, adoption en tant que célibataire)
où le parent social de l’enfant ne peut être considéré comme « beau-parent » puisqu’un seul
lien de filiation est établi.

Le Planning Familial réaffirme ici, au nom du pragmatisme et du principe d’égalité des droits,
la nécessité et l’urgence d’une loi qui permettrait de reconnaître les parents sociaux et les
enfants nés de la PMA. Plus largement, il regrette le report sine die du projet de loi sur la
famille, qui devait permettre d’autres avancées telles que la facilitation de l’adoption simple,
et il demande à ce que la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de
l’enfant soit amendée afin de mieux tenir compte des inégalités et des violences qui subsistent
entre les femmes et les hommes.

Comptant sur pour votre attention, nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, nos
salutations respectueuses.

Carine FAVIER Véronique SEHIER

Co-présidentes du Planning Familial

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