Programme

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Le féminisme : ringard ou résolument moderne ?

L’Europe : source de tous les maux ou absolue nécessité pour aujourd’hui et demain ?

Notre positionnement est clair : le féminisme est l’avenir, l’Europe aussi.

Nous, femmes et hommes féministes, avons décidé pour la première fois en France de présenter des listes aux élections européennes.

Aujourd’hui, il y a urgence : si, dans le passé, l’Union européenne a été un moyen de construction de l’égalité entre les femmes et les hommes, elle ne l’est plus. L’Europe traverse en effet une phase de forte régression et les droits des femmes y sont menacés. Les instances européennes, élues ou nommées, n’ont pas su créer un rapport de force pour résister aux conservateurs, aujourd’hui majoritaires. Elles ont même lâché prise face à l’offensive d’organisations politico-religieuses qui s’en prennent aux droits fondamentaux des femmes. Côté économique, les politiques d’austérité génèrent précarité et pauvreté, et en premier lieu à l’égard des femmes.

Les politiques publiques ne sont pas neutres : toutes les décisions économiques, sociales, budgétaires, fiscales, environnementales, diplomatiques ont un impact différent sur les femmes et sur les hommes.

Le féminisme n’est pas une question subsidiaire, à part ; c’est un projet politique, celui de l’émancipation des femmes, celui de l’égalité entre les femmes et les hommes. Et, comme tel, il est un enjeu de société, une ambition sociale pour les femmes et les hommes.

Pour construire l’Europe de l’égalité réelle et des droits des femmes,
votez Féministes Pour une Europe Solidaire.

Sans un accès libre à la contraception et à l’avortement, pas d’égalité dans les autres sphères

Comment une société peut-elle se considérer comme émancipatrice si la liberté d’avoir un enfant quand on le veut et si on le veut n’est pas un droit garanti ? Certains pays font reculer le droit à l’avortement. Aujourd’hui les plus progressistes des partis mettent en avant, comme argument électoral, le refus de voir régresser des droits acquis, citant le cas de l’avortement en Espagne ; ils oublient que par leur faute, il ne s’agit pas d’un droit acquis au niveau de l’Europe, mais que chaque Etat est libre de le reconnaître ou non, de le remettre en question, ou non. L’accès à la contraception et à l’avortement doit être inscrit dans la Charte européenne des droits fondamentaux. Car comment avancer sur l’égalité dans l’emploi ou en politique si cette liberté n’est pas garantie ? L’accès libre et gratuit à la contraception et à l’avortement est une condition fondamentale de l’égalité et du progrès.

Ces droits ne concernent pas que les femmes. Ils concernent les femmes et les hommes, les adultes et les enfants. « Avoir les enfants que nous voulons », « être des enfants désirés », cela intéresse tout le monde. La famille peut être un espace de liberté et de solidarité. Notre conception de la famille s’oppose à celle, traditionnelle, immuable, d’une unité basée sur l’union d’un homme et d’une femme en vue de la procréation. C’est pour nous un espace de liberté et de solidarité où chaque individu se construit et trouve son équilibre.

Une Europe laïque, une Europe de la liberté

Les religions ne doivent en aucun cas influencer les choix politiques et d’organisation de la société. La laïcité, en assurant la séparation des Églises et de l’État, est un outil essentiel permettant de contrer la pression croissante des lobbies religieux qui s’exerce principalement au détriment des droits fondamentaux des femmes. Cette pression touche également la recherche, l’enseignement, les questions d’éthique notamment sur la fin de vie, les incitations à la censure des œuvres artistiques et littéraires au prétexte de blasphème. Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en 2009, les institutions européennes dialoguent avec les Églises et avec les organisations non confessionnelles (article 17 du Traité de fonctionnement de l’UE). Dans la réalité, la mise en œuvre de ce dialogue a fortement privilégié les Églises. La laïcité doit être un principe de base de l’Europe, qui garantisse la non-ingérence de toute religion ou structure religieuse dans les affaires des Etats et dans les institutions européennes.

Les femmes : les premières touchées par l’austérité

Néolibéralisme triomphant, profits à tout prix, politiques d’austérité, coupes dans les dépenses sociales, dégradation des emplois… Austérité rime avec précarité et pauvreté pour la majorité des Européens. Soulignons que les femmes sont les plus touchées. 17,1 % des femmes européennes sont pauvres (contre 15,7 % des hommes) et 36,9 % des familles monoparentales.

Les femmes subissent directement les politiques d’austérité : baisse de l’emploi public (à 70% occupé par des femmes en Europe), précarisation des emplois et des conditions de travail (un tiers des européennes qui travaillent sont à temps partiel, ce qui signifie aussi une retraite partielle), réduction des budgets pour les modes de garde, rabot sur les budgets de lutte contre les violences faites aux femmes…. De quel développement économique l’Europe est-elle porteuse si les femmes sont contraintes de cumuler des responsabilités imposées socialement (tâches domestiques, soin aux enfants et aux personnes âgées) tout en affrontant une précarisation croissante et le démantèlement des services publics ? En Europe, l’égalité femmes-hommes doit être le pivot stratégique d’une politique de développement soutenable. Il s’agit notamment de développer les services publics, en particulier ceux de la petite enfance, et d’investir dans les secteurs d’activité à forte utilité sociale et environnementale. Ces investissements sont finançables, notamment par la taxation des transactions financières et la lutte contre les paradis fiscaux. La Banque Centrale Européenne doit enfin être au service de ce développement durable.

Le traité transatlantique : encore des risques pour les femmes 

Au niveau européen, se sont ouvertes récemment des négociations pour la mise en place d’un Traité transatlantique (TAFTA) avec les Etats-Unis. L’objectif ? Créer la plus grande zone de libre-échange au monde. Ce traité aurait pour conséquence l’ouverture à la concurrence de secteurs entiers de la société : services publics, protection sociale, environnement, protection des données. Il renforcerait les droits des multinationales par rapport aux lois des Etats membres. Le TAFTA ouvrirait la voie à des régressions sociales sans précédent et il ne serait pas neutre par rapport à l’égalité entre femmes et hommes. Les femmes sont majoritaires dans les emplois et les utilisateurs des services publics et de la protection sociale, les risques de dégradation seraient amplifiés pour les femmes.

Egalité salariale car le travail des femmes le vaut bien 

Il faut le savoir et le répéter : les Européennes sont moins payées que les Européens, en moyenne l’écart de salaires horaires est de 16,2%. Ce qui signifie que les femmes travaillent chaque année pour leur employeur 59 jours «gratuitement». Et c’est sans compter le travail domestique et familial encore très majoritairement réalisé par les femmes !

Les inégalités professionnelles et salariales rassemblent les discriminations dans la carrière notamment après une maternité, le temps partiel, le moindre accès aux emplois cadres, l’insertion dans des secteurs féminisés moins rémunérateurs… et ceci malgré l’élévation du niveau d’éducation des filles. Les filles sortent en effet plus nombreuses de l’enseignement supérieur que les garçons, même si elles restent minoritaires dans les filières scientifiques et technologiques.

Dans l’UE, 21,2% des femmes salariées perçoivent un bas salaire, contre 13,3% des salariés hommes. Le croisement entre bas salaire et temps partiel cause trop souvent la précarité et la pauvreté des femmes. Ces bas salaires sont aussi le résultat de la sous-valorisation des emplois occupés majoritairement par les femmes. Les métiers du soin, du care, de l’assistance, les emplois supports dans les entreprises… tous les métiers très féminisés subissent une sous-valorisation salariale. Revaloriser les emplois à prédominance féminine, lutter contre les discriminations professionnelles notamment dans les carrières, favoriser la mixité des emplois, lutter contre les stéréotypes sexués dans l’éducation, l’orientation et au travail, favoriser l’articulation entre temps de travail, temps familiaux et temps libres autrement que par le temps partiel et les carrières partielles des femmes … Sur toutes ces pistes, l’Europe peut agir !

En finir avec les violences faites aux femmes

En Europe, 33 % des femmes ont subi une forme de violence physique ou sexuelle depuis l’âge de 15 ans et 55 % des femmes ont été victimes d’une forme ou d’une autre de harcèlement sexuel. Et ces données s’aggravent encore pour les femmes handicapées, qui sont trois fois plus exposées aux violences physiques et sexuelles et pour lesquelles il est difficile de porter plainte en raison du manque d’accessibilité des lieux de justice et des centres d’hébergement d’urgence.

Les violences faites aux femmes sont le symptôme le plus grave de nos sociétés fondées sur les stéréotypes et les inégalités entre les sexes. Et pourtant ces violences semblent tolérées. Il est urgent que l’Europe impulse l’éducation à l’égalité des filles et des garçons dès le plus jeune âge, et quelles que soient les spécificités culturelles et religieuses des Etats.

La Convention européenne sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, dite « Convention d’Istanbul », entrera en vigueur le 1er août prochain, après sa ratification par dix Etats membres du Conseil de l’Europe. C’est le premier traité européen prenant spécifiquement pour cible les violences faites aux femmes et la violence domestique. L’Europe doit adhérer à cette Convention unique pour la rendre effective, et qu’elle relève du droit européen qui prime sur le droit national.

Il faut que l’Europe revienne sur sa décision d’intégrer le programme Daphné, dédié spécifiquement aux violences faites aux femmes, au sein du programme « Droits et Citoyennetés ». Cela nuit à la visibilité et à l’objectif de ce programme, d’autant plus que cela s’accompagne d’une baisse des financements dédiés.

Rappelons que la prostitution est une violence faite aux femmes et qu’à ce titre elle doit être incluse comme violence dans la Charte européenne des droits fondamentaux.

Reconnaitre la place des femmes migrantes en Europe

Les femmes représentant la moitié des migrants vers l’UE, l’UE doit logiquement intégrer une dimension de genre dans ses politiques migratoires. Aujourd’hui, la majorité des femmes migrent pour des raisons économiques. L’UE doit soutenir leur accès à l’emploi pour assurer leur indépendance économique. Cela passe notamment par une politique de reconnaissance des diplômes, en particulier dans les domaines « féminisés ». Les soins aux personnes et la prise en charge de la dépendance reposent actuellement en très grande partie sur l’emploi des femmes migrantes ; ces secteurs malgré leur importance pour nos sociétés sont peu valorisés (emplois précaires et à très bas salaires). Aussi, le travail domestique, dans lequel les femmes sans-papiers sont surreprésentées, doit ouvrir le droit à la régularisation dans toute l’UE.

L’UE doit protéger des violences les femmes migrantes. L’octroi d’un titre de séjour aux victimes de la traite, de violences et de mutilations sexuelles doit être inconditionnel. Enfin, l’accès à la justice et à l’assistance pour les femmes migrantes victimes de violence doit être pleinement garanti.

Sport et culture : les femmes aussi

Près de 40% des femmes des pays de l’Union Européenne déclarent faire du sport au moins une fois par semaine. Pourtant la couverture consacrée par les médias au sport féminin demeure scandaleusement faible: autour de 5% en Europe. Elle est de 7% en France. Avec le Traité de Lisbonne, l’Europe dispose d’une compétence dans ce domaine lui permettant de mener des actions d’appui et de coordination des politiques des Etat membres. Le financement des programmes de médiatisation du sport féminin doit être considéré comme priorité de l’action de l’UE dans ce domaine.

Les femmes sont invisibilisées aussi dans le milieu des arts et de la culture. Lieu de pouvoir symbolique et espace de représentation de la démocratie, la sphère culturelle est un lieu privilégié des inégalités et ceci, à tous les niveaux : disparité de revenus et moindre visibilité des femmes. Comment les œuvres produites peuvent-elles parler du monde si la moitié de la population n’y prend pas part ? Il est urgent que la Résolution sur l’égalité de traitement et d’accès entre les hommes et les femmes dans les arts du spectacle, adoptée à l’unanimité par le Parlement européen le 10 mars 2009, devienne une directive et s’applique à tous les domaines artistiques et culturels. Le programme Europe créative 2014-2020 doit aussi inciter à la parité en abondant des fonds spécifiques pour les manifestations culturelles exposant au moins 50% de femmes. Un rapport européen sur la parité dans les Arts et la Culture reste un préalable indispensable et urgent, qui manque encore aujourd’hui.

Une Europe plus démocratique intégrant l’égalité entre femmes et hommes dans chacune de ses décisions

Les moyens pour construire l’Europe de l’égalité sont nombreux.
D’abord, pour ne pas reproduire les stéréotypes et pour mettre l’égalité au cœur de toutes les politiques publiques (Gender mainstreaming), un-e commissaire à l’égalité doit être nommé-e. Seule une approche intégrée et anticipée de l’égalité permettra de cesser de découvrir trop tard les inégalités produites par les politiques mises en place. De même, la mesure de l’impact des politiques publiques sur l’égalité entre femmes et hommes doit être systématisée.

Porter l’égalité dans toutes les politiques publiques et donc aussi dans leurs financements doit aussi servir à reformuler les politiques budgétaires et à répartir les ressources de manière à atteindre les objectifs d’égalité entre les femmes et les hommes. Alors que le budget pluriannuel de l’Union européenne a été raboté et qu’au niveau des Etats les dépenses publiques sont en baisse, nous exigeons la mise en place effective de stratégies de gender budgeting au niveaux européen, national, régional, et local, afin de faire la transparence sur les choix budgétaires réalisés au regard de la perspective d’égalité entre les femmes et les hommes.

Ensuite, la lutte contre toutes les discriminations doit intégrer le croisement des discriminations. Malgré un cadre légal favorable à la lutte contre les discriminations, celles-ci persistent, se cumulent et se renforcent : femmes immigrées, femmes handicapées, femmes lesbiennes, personnes transgenre, jeunes femmes, femmes âgées… Ces discriminations cumulées concernent tous les champs de la société : l’emploi, l’accès aux soins, à l’éducation, à la culture, au logement… Pour lutter contre toutes ces discriminations, l’Europe doit contraindre les Etats membres à améliorer les statistiques sexués et croisées sur tous les thèmes.

Les femmes et filles handicapées dont le nombre est estimé dans l’Union européenne à 46 millions, soit 16% de la population féminine européenne, vivent cette double discrimination : être femme et être handicapée. Mais elles sont invisibles et oubliées des politiques publiques, faute de croisement entre handicap et genre. Le Rapport sur les femmes handicapées d’octobre 2013 d’Angelika Werkman expose une proposition de résolution du Parlement européen. Il insiste sur la nécessité d’une approche transversale : inclure le handicap dans tous les programmes, dispositifs et mesures sur l’égalité femmes-hommes comme le Programme pour le développement d’après 2015 et inclure le genre dans les politiques du handicap à l’occasion de la révision à mi-parcours de la Stratégie européenne 2010-2020 en faveur des personnes handicapées. Il demande à l’Union européenne de prendre les mesures adéquates pour protéger les femmes et filles handicapées, à la fois chez elles et dans les institutions, contre l’exploitation, la violence et les agressions et de faciliter leur accès à la justice par le moyen d’une assistance et d’une aide publique. Il est donc essentiel de veiller à ce qu’une telle résolution concernant les filles et les femmes handicapées soit adoptée et d’évaluer son application et sa mise en pratique.

D’autres discriminations qui touchent les femmes sont tout autant invisibles, c’est le cas de la lesbophobie. Les lesbiennes connaissent également une double discrimination, à la fois parce qu’elles sont femmes et parce qu’elles sont lesbiennes. Cette non-assignation aux rôles traditionnels « Masculin/Féminin » fait peser sur elles une injonction très forte au formatage social qui peut prendre des formes très violentes (enfermement, mariage forcé). Les femmes lesbiennes qui ont le courage « d’exister au grand jour » doivent affronter la peur, le mépris et la haine. Rappelons que les discriminations qui touchent les lesbiennes en raison de leur « transgression » à la socialisation de genre touchent aussi les personnes transgenres, intersexes, queers et gays. L’Union Européenne doit lutter contre cette discrimination spécifique en éduquant dès le plus jeune âge au respect des sexualités et des identités de genre. La lutte contre ces discriminations passe aussi par l’accès de toutes les femmes à la procréation médicalement assistée.

Enfin, la parité doit être un outil de l’égalité. Si les institutions de l’Union nécessitent d’être démocratisées, cette démocratisation ne peut se faire sans une juste représentation des citoyen-ne-s. Il faut en finir avec l’écartement des femmes des postes stratégiques. Seuls 36,03% des sièges au Parlement européen sont détenus par des femmes. Le Parlement européen n’a été présidé par une femme que deux fois depuis 1979. Seules 8 des 22 commissions permanentes du Parlement sont présidées par des femmes. Et la Commission, quant à elle, est composée de seulement 33,3% de femmes, et a toujours été présidée par des hommes. Nous soutenons la Déclaration 50/50 lancée par des député-e-s et le Lobby Européen des femmes appelant au respect de la parité au Parlement européen. De même, les États membres devraient être contraints à présenter une candidature d’homme et une candidature de femme pour chaque poste de la Commission ainsi que pour chaque poste à responsabilité au sein des institutions européennes.

L’Europe doit être celle de l’égalité dans sa politique internationale aussi.
L’Union Européenne est présente dans 139 pays du monde et finance une grande partie des programmes de lutte contre la pauvreté et pour le développement. Les droits des femmes doivent devenir un enjeu diplomatique pour l’Europe, ce qu’ils ne sont pas encore, malgré les engagements pris par les Etats en juin 2010 et l’adoption du Plan d’action pour l’égalité femmes-hommes dans le développement. L’Europe doit défendre activement les droits des femmes dans toutes les instances internationales et dans le nouvel agenda pour le développement durable de l’Après 2015. Elle doit conditionner ses aides au respect des droits fondamentaux des femmes et, en priorité, l’éducation et l’accès à des services sûrs de contrôle des naissances, dont l’avortement. Rappelons que chaque année dans le monde, 8 millions de femmes souffrent des complications liées à des avortements clandestins et « à risque » et 47 000 en meurent.

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