Sénégal : « IVG : « Je ne veux pas de cet enfant, moi je veux aller à l’école »
Sénégal : « IVG : « Je ne veux pas de cet enfant, moi je veux aller à l’école »
Communiqué conjoint : Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH), Rencontre africaine des droits de l’homme (RADDHO), Organisation nationale des droits de l’homme (ONDH), Ligue sénégalaise des droits humains (LSDH)
La prohibition de l’avortement au Sénégal entraîne de graves violations des droits des femmes. C’est le constat que dresse le rapport rendu public aujourd’hui par nos organisations (1). Ce rapport fait suite à une mission d’enquête menée début novembre à Dakar, Thiès et Ziguinchor. Il documente les violations des droits sexuels et reproductifs reconnus aux femmes par le droit international dont se rendent responsables les autorités sénégalaises.
Alors que les viols, notamment sur les filles mineures sont très répandus et que l’accès à la contraception demeure encore limité, l’interruption volontaire de grossesse est interdite au Sénégal. Cette interdiction ne peut être levée qu’en cas de grave danger pour la vie de la mère. Mais la procédure qui permet le recours à l’IVG dans ce cas déjà très restreint, est inaccessible et n’est donc jamais utilisée. Il est nécessaire d’obtenir l’avis de 3 médecins, les coûts sont exhorbitants et les procédures sont très longues.
L’interdiction de l’IVG pousse les femmes à avorter clandestinement. Environ 8 à 13% des décès maternels au Sénégal sont causés par ces interventions à risque. Les avortements clandestins sont punis par le Code pénal et des femmes qui y ont recours se trouvent poursuivies devant la justice, encourant jusqu’à deux ans de prison. L’interdiction de l’avortement pousse également à la perpétration d’infanticides. Ces deux infractions constituent 38% des causes de détention des femmes. Le personnel médical qui pratique l’avortement risque également des peines de prison. « La législation du Sénégal relative à l’avortement est l’une des plus répressives au monde » a commenté Aboubacry Mbodji, Secrétaire général de la RADDHO, organisation membre de la FIDH au Sénégal.
Les corps des petites et jeunes filles enceintes qui n’ont pas pu se procurer une IVG sont dévastés. De 2013 à 2014, le Centre de guidance infantile familiale a dénombré 420 cas d’abus sexuels sur des mineures âgées de 7 à 14 ans. Presque 30% de ces mineures sont tombées enceintes et 10 à 15% d’entre elles ont dû subir une césarienne à cause de leur jeune âge. « La grossesse et l’accouchement font peser des risques majeurs sur la vie et la santé des filles qui n’ont pas terminé leur croissance. La césarienne est loin d’éliminer tous les risques. Les grossesses non désirées entraînent des conséquences, en particulier psychologiques, désastreuses pour l’ensemble des femmes et des filles », a affirmé Selma Hajri, médecin, membre de la délégation de la FIDH.
Cette loi viole le Protocole de Maputo ratifié par le Sénégal en 2005 qui impose aux Etats de garantir le droit à l’avortement médicalisé en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste, de danger pour la santé mentale et physique de la mère ou la vie de la mère ou du fœtus. Les organisations de la société civile portent actuellement un projet de réforme dont l’adoption permettrait au Sénégal de respecter ses obligations régionales. « La société civile fait beaucoup pour les droits des femmes. Elle plaide pour une réforme et assiste les victimes de cette législation répressive », a déclaré Fanta Doumbia, membre de la délégation de la FIDH.
Nos organisations exhortent le gouvernement sénégalais à présenter le projet de loi sur l’avortement médicalisé à l’Assemblée nationale dans les plus brefs délais.
Dakar le 29 novembre 2014.