D’un hommage l’autre RÉÉCRIRE l’histoire….

D’un hommage l’autre RÉÉCRIRE l’histoire….

D’un hommage l’autre

RÉÉCRIRE l’histoire.

Avant que la réécriture ne devienne un détail, profitons de ce que les témoins des débuts de l’histoire du Mouvement de libération des femmes sont toujours nombreuses – paix à celles qui nous ont quittées –, pour remettre quelques pendules à l’heure.

Ce 10 mars 2018 a été inaugurée à Paris une place au nom de la militante féministe et avocate, Monique Antoine. Sans doute aurait-il été plus judicieux de lui rendre cet hommage le jour même de la Journée internationale des droits des femmes, le 8 mars.

Ce 8 mars, l’une d’entre nous s’est vue honorée post mortem – mais elle avait déjà pris son dû de son vivant – par l’attribution d’un nom de rue à Paris. Tant mieux pour elle et sa famille. Mais ce qui chagrine un bon nombre de femmes qui ont participé aux débuts du mouvement de libération des femmes, c’est la distorsion de la vérité. Chacune voit midi à sa porte, dit le dicton, Antoinette Fouque aimait beaucoup le Midi.

Déjà quelques voix s’étaient élevées collectivement en 2008 pour rétablir la date des débuts du mouvement – et non sa « fondation » – Voir le numéro 46 de Prochoix « MLF : le mythe des origines » http://www.prochoix.org/pdf/Prochoix.46.interieur.pdf

ou http://www.liberation.fr/debats/2014/04/03/antoinette-fouque-le-pouvoir-hypnotique-de-la-domination-feminine_992864

En 2014, la journaliste Annette Lévy-Willard avait courageusement publié une contre-nécrologie, très juste par ses observations sur les débuts du Mouvement et la place qu’Antoinette y tenait (voir http://annette.blogs.liberation.fr/2018/03/08/quand-reecrit-lhistoire-du-feminisme-avec-antoinette-fouque/ ).

Antoinette n’avançait que sur piste assurée par les éclaireuses. Où était-elle quand on manifestait, quand on menait des actions, quand on s’exprimait à haute voix devant tout le monde ? Elle ne parlait qu’en petit comité, ne « présidait » qu’accompagnée de sa banquière et de ses adeptes. Elle ne serait rien, du point de vue de sa carrière « féministe », si nous n’étions pas, avec constance, pendant plusieurs années, montées à l’assaut des institutions de l’époque pour obtenir la satisfaction de nos revendications (contraception et avortement libres et gratuits, notre corps nous appartient…).

Mais la fausseté poursuit son chemin devenu aussi lisse qu’une autoroute. Et si la Mairie de Paris a cru honorer le MLF avec ce nom de rue, elle s’est trompée.

Le dictionnaire Larousse lui-même, sur son site, participe de façon surprenante à cette réécriture : « cofondatrice du Mouvement de libération des femmes (MLF) en 1968 » …, « En créant, en 1968, le groupe de réflexion Psychanalyse et Politique, creuset du MLF … » ???

Comment est-ce possible ? Ce groupe n’existait pas en 1968. Dans mes notes de fin 1970, venant de la bouche même d’Antoinette, je trouve l’évolution des groupes qui ont précédé le MLF, notamment le groupe mixte Féminin Masculin Avenir en 1968, transformé l’été 70 en Féminisme Marxisme Action. Point de groupe Psychanalyse et politique, plus tard bien connu des assemblées générales aux Beaux Arts.

L’été 70, le 26 août, quelques femmes audacieuses, au risque d’être embarquées dans les fourgons de la police, avaient déposé une gerbe à la femme inconnue du soldat inconnu, signant ainsi la première apparition publique en France des féministes. Ces femmes étaient : Cathy Bernheim, Monique Wittig, Christine Delphy, Anne Zelinsky, Christiane Rochefort, Janine Sert, Emmanuelle de Lesseps, Monique Bourroux, Julie Dassin, Margaret Stephenson.

Au lendemain des Etats Généraux organisés par le journal Elle, les 20 et 21 novembre 1970, ce qu’il restait du groupe FMA, cinq ou six femmes, s’était fondu au sein du naissant mouvement de libération des femmes.

Quant au nom du mouvement, il avait été désigné collectivement en assemblée aux Beaux Arts, au tout début de 1971 : « Les femmes signaient d’un prénom, ou ne signaient pas, ou disaient « des femmes ». Il y avait eu discussion. Pas question d’accepter le mot « organisation » qui ciblait les militants, ni « association ». La proposition « Femmes en mouvement » avait été recalée. De même « Mouvement de libération de LA femme ». LA femme n’existe pas, c’est une invention des hommes ! Mais toutes s’étaient accordées sur le « Mouvement de libération DES femmes », le M.L.F. Le Mouvement nous appartenait, femmes de tous âges et de toutes conditions même si beaucoup d’entre nous venions du monde universitaire. ».* Aussi, ce serait un choc pour toutes d’apprendre qu’en 1979, Antoinette s’était arrogé le droit de confisquer le sigle et de le déposer à l’INPI en tant que marque commerciale.

Heureusement, grâce aux « Bobines féministes », une plateforme évolutive de ressources numériques, à Nadja Ringart, l’une des militantes de la première heure, et à Hélène Fleckinger, sociologue de la génération suivante, tous les faiseurs d’histoire pourront bientôt vérifier leurs informations auprès des témoignages pris à la source.

Patricia Duthion, Mouvement de libération des Femmes 1970

*Extrait d’une histoire de la décennie 70, en cours, en quête d’éditeur

Approuvent le contenu de ce texte, les témoins et parties prenantes suivantes :

Colette Auger – Cathy Berhneim – Marie-Jo Bonnet – Marielle Burkhalter – Josée Contreras – Claudine Dannequin – Monique Dental – Catherine Deudon – Christine Fauré – Jacqueline Feldman – Suzanne Fenn – Françoise Flamant – Dominique Fougeyrollas – Cat Glasman – Juliette Kahane – Marie-Christine Lamiche – Françoise Picq – Anne Querrien – Nadja Ringart -Evelyne Rochedereux – Annie Sugier – Ioana Wieder – Anne Zelensky

Pour plus d’information, voir l’entretien avec Jacqueline Feldman :

FAQ sur le MLF http://re-belles.over-blog.com/article-faq-sur-le-mlf-43949236.html

Et aussi, l’entretien avec la philosophe Geneviève Fraisse :

http://www.liberation.fr/france/2014/02/23/antoinette-fouque-detestait-le-mot-feminisme_982462

14 mars 2018

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