Campagne nationale de lutte contre la prostitution des mineur·es. Où sont les clients ?
La campagne « je gère » alerte sur le nombre croissant de milliers d’adolescent·es victimes de la prostitution, surtout
des filles de 14 à 17 ans, et présente un plan structuré en cinq priorités pour y faire face.
« Ouvrir les yeux, être plus vigilant, protéger les victimes, accélérer les procédures contre les auteurs et s’organiser
pour répondre aux défis ». Articles, reportages, films, séries télévisées l’ont précédée.
Il était très urgent de faire prendre conscience de ce fléau qu’est la prostitution des mineur·es dénoncé de longue date
par les associations abolitionnistes de terrain dont l’Amicale du Nid, le Mouvement du Nid et la Fondation Scelles. Il
était urgent de mettre en place des mesures pour prévenir et juguler cette violence. Mais pourquoi cette campagne
épargne–t–elle ceux qui sont à l’origine de la prostitution, les clients acheteurs d’actes pédocriminels ?
« Quand il s’agit d’informer sur la prostitution des mineur–es « Articles et caméras préfèrent centrer leur intérêt sur
les jeunes filles (victimes à 95 %), présentées comme les actrices principales d’un système qui serait dû à leur goût de
« l’argent facile ». Pourquoi pas plutôt sur leurs prédateurs, majeurs en âge de réfléchir, qui les anéantissent ? Non,
elles ne se prostituent pas. Non, ce ne sont pas des « prostituées », étiquette qui leur est immédiatement attribuée.
On les prostitue » écrit Claudine Legardinier (Proxénétisme de mineures : où sont les « clients » ?15 octobre 2021).
Cette campagne aurait dû corriger cette façon de présenter la prostitution des mineur·es. Elle montre les violences
subies par les victimes mais ces violences sont explicitement attribuées aux proxénètes : « La pratique prostitutionnelle expose à des risques majeurs d’infections sexuellement transmissibles et de grossesse non désirée auxquels s’ajoutent les violences physiques, psychologiques et sexuelles perpétrées majoritairement par les proxénètes qui peuvent être à l’origine de lésions traumatiques (ecchymoses, hématomes, etc.). », alors que les clients commettent tout autant toutes ces violences dont celle de violer.
Cette campagne ne met en avant aucune disposition concernant la responsabilisation des clients, et s’en tient à dire «
une certaine méconnaissance sur la législation en vigueur dans notre pays concernant l’interdiction d’achat d’acte
sexuel persiste ». On n’y trouve aucun rappel des lois en vigueur. La loi du 4 mars 2002 et celle du 13 avril 2016
interdisent la prostitution des mineures (des peines de 3 ans de prison et 45.000€ d’amende, et jusqu’à 5 ans et
75.000€ d’amende). La loi du 21 avril 2021 porte la peine à 20 ans de prison pour viol si l’achat d’acte sexuel porte
sur un·e mineur·e de 15 ans.
Comment faire de la prévention si on n’explique pas l’interdit, si on ne rappelle pas la loi, si on ne montre pas les
racines de cette violence et la responsabilité des clients et des proxénètes, les premiers permettant aux seconds de
« faire de l’argent ».
Comment rompre les chaines de reproduction du phénomène en occultant la cause majeure du système : le « droit »
des hommes à accéder de toutes les façons, domination et argent mêlés, au corps des femmes, accès rendu plus facile
par la vulnérabilité des adolescent·es et des plus précaires.
Comment se satisfaire d’une campagne qui se complet dans le soupçon de futilité et de vénalité des adolescentes qui
« prennent des risques », une antienne patriarcale qui ne peut être à la base d’une réelle éducation à la sexualité et à
l’égalité entre les femmes et les hommes.
Paris, le 08 mars 2022
Contacts presse :
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