Communiqué sur la gestation pour autrui
Les lois bioéthiques sont soumises à des révisions qui suscitent des prises de position souvent divergentes. Alors qu’une loi de 1994 interdit la pratique des mères porteuses en France (« Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d’autrui est nulle. ») Une récente tribune signée de 58 personnalités demande une nouvelle législation de la gestation pour autrui en proposant d’exclure toute relation financière entre les parents et la mère porteuse.
Dans ce domaine, la législation est loin d’être uniforme : tolérée en Belgique et aux Pays-Bas, la maternité pour autrui est autorisée dans d’autres pays. Dans son étude sur « Le commerce transnational de la maternité de substitution » la chercheuse indienne Sheela Saravan s’est intéressée à cette pratique qui, en Inde, connaît un fort développement. En effet, elle est parfaitement légale et son processus revient bien moins cher que dans d’autres pays. De plus, c’est la pauvreté qui incite certaines femmes à louer leur corps en échange d’un maigre pécule car les principaux bénéficiaires sont les cliniques. Et voilà pourquoi il existe, selon cette chercheuse, 3 000 établissements officiels indiens, sans compter ceux qui prospèrent dans les marges. La sélection de ces femmes s’opère selon des critères précis : elles doivent être jeunes, belles, en bonne santé, accepter toutes les conditions exigées et avoir l’autorisation de leur mari. Deux situations se présentent : soit elles restent chez elles et sont soumises à différents contrôles, soit elles sont prises en charge par les cliniques – sans trace écrite de leur contrat – au prix de la perte de leurs droits fondamentaux : interdiction de sortir, de recevoir des visites, obligation de suivre le régime prescrit (il arrive que le bébé soit payé au poids). Bref, ces cliniques sont de véritables prisons aseptisées où les femmes sont réduites à des ventres fabricateurs de bébés. D’ailleurs, la séparation avec l’enfant s’opère de manière brutale, sans aucun soutien psychologique.
Ce détour par l’Inde prouve que cet essor de la maternité de substitution s’inscrit avant tout dans une logique marchande qui draine de nombreux couples étrangers. Suffirait-il pour autant d’encadrer par la loi la gestation pour autrui en excluant toute relation financière entre les parents et la mère porteuse ? Dans notre société libérale et individualiste, on a glissé du « désir d’enfant » au « droit à l’enfant » et cette tendance va de pair avec les offres des nouvelles technologies de reproduction humaine, prêtes à agir si le bébé ne vient pas ou pas assez vite. Dans cette logique consumériste, rares sont les femmes désireuses de porter gratuitement un enfant pour autrui : de ce fait, la légalisation de la maternité sans tractation financière entrainerait un développement du marché de la gestation dans d’autres pays. Ainsi, la législation anglaise qui autorise la maternité de substitution est bien loin d’avoir stoppé le nombre de couples britanniques qui se rendent chaque année en Inde.
Que la mère porteuse soit ou non rémunérée, quelle différence ? Dans les deux cas, la femme est considérée comme un simple réceptacle et ce qu’elle porte est tellement plus intéressant qu’elle ! Tel est le paradoxe : alors que les nouvelles techniques de procréation sont devenues un lieu – parfois fantasmatique – de tous les possibles, la pratique des mères porteuses nous renvoie à une conception archaïque du rôle des femmes.
Faisons un pas de côté : pourquoi la fonction de procréation aurait-elle nécessairement une fonction vitale pour l’individu-e ? La stérilité, l’absence de désir d’enfant sont-ils une pathologie, une maladie sociale, le symptôme d’autre chose …