Manifestation du 25 novembre – Absence du mot « Femme » : oubli ou effacement volontaire ?
Manifestation du 25 novembre 2022 à Paris « Contre les violences faites aux femmes »
Absence du mot « Femme » : oubli ou effacement volontaire ?
Catherine Morin Le Sec’h, Marie-Josèphe Devillers, Jocelyne Fildard
Co-présidentes de CQFD Lesbiennes Féministes
Comme beaucoup de femmes dans le monde, Nous, femmes lesbiennes et hétérosexuelles, marchons depuis 1999 dans la manifestation du 25 novembre « Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes »*. Et nous étions présentes dans celle de cette année, à Paris, le samedi 19 novembre.
Des pancartes mauves déposées par centaines avant la manifestation mises à disposition des jeunes qui venaient les prendre, portaient des slogans féministes comme « 0,6% des violeurs condamnés », « Croire les victimes sauve des vies », « Qui sème l’impunité, récolte la colère » … Mais aucune de ces pancartes, ne comportait le mot « Femme » et encore bien moins le mot « Lesbienne ».
Absence aussi de ces deux mots sur la banderole de tête de « Nous toutes », principale organisatrice de cette marche depuis l’année dernière.
Pour la 2ème année, ne pas indiquer qu’il s’agit d’une marche « Contre les violences faites aux femmes » choque et interpelle : cet oubli répétitif serait-il volontaire ?
Si tel est le cas, nous contestons cet effacement.
Nous nous sommes battues depuis trop d’années pour que les femmes, victimes de violences spécifiques parce que femmes, soient nommées. C’est aussi grâce à cela que nous avons pu avancer dans les droits et libertés des femmes et des lesbiennes, car tout ce qui n’est pas nommé n’a pas d’existence sociale. Dans son livre « Le coût de la virilité », Lucile Peytavin a eu l’intelligence de chiffrer ces violences à payer par toute la société, y compris par les plus pauvres et les plus démunies.
Dans cette manifestation du 19 novembre à Paris, plusieurs participantes venues avec leurs propres pancartes nommant les violences faites aux femmes (ouf, l’imagination encore vivante s’invitait dans cette marée mauve !), étaient choquées de l’absence du mot « femme » sur les pancartes du collectif « Nous toutes ».
L’une d’elle nous a dit : « Ça me fait penser à une marche contre le racisme dans laquelle les supports ne mentionneraient pas qu’il s’agit de violences envers les personnes racisées. Dans le mouvement « Black Lives Matter », à juste titre, nous nommons les victimes que sont les personnes noires. Pourquoi effacer le mot femme ce soir ? ». Une autre jeune femme nous a confié pleine d’émotion : « En lisant les pancartes, je me demandais si j’étais dans la bonne manifestation. Je vous remercie d’être là. Parler avec vous m’a rassurée ».
Pourquoi omettre les mots « Femme » et « Lesbienne » sur les pancartes et la banderole de tête ce 19 novembre 2022 à Paris ? Beaucoup de femmes se sont posé la question.
D’autre part, une affiche d’une ville de banlieue parisienne, mentionnait, par ignorance* ou par erreur, que le 25 novembre était « La journée contre les violences faites aux femmes et aux minorités de genre ». De quel chapeau sort cet intitulé ?
Alors que la journée des minorités de genre donc des LGBTQI++, est organisée en juin depuis 1977 en France** à travers de grandes festivités (Marche des homosexuels, Gay Pride, Lesbian and Gay Pride, Marches des fiertés LGBT etc…) pourquoi vouloir inclure d’autres « catégories » de personnes discriminées dans la journée du 25 novembre !? Rappelons que les gays sont aussi des hommes ! Qu’ont-ils donc à revendiquer pour eux, à la journée contre les violences faites aux femmes ?
La liste des personnes discriminées est longue et bien évidemment nous réprouvons aussi les violences contre elles. Mais si nous venions avec nos pancartes pour revendiquer la liberté de L’IVG ou l’égalité des salaires pour les femmes dans une marche LGBTQI++, ceci ne s’appellerait pas du soutien mais de la récupération !
C’est pourquoi, nous rappelons que le 25 novembre est « La journée internationale contre les violences faites aux femmes » et nous demandons aux personnes qui manifestent ce jour-là, de ne pas invisibiliser ces violences spécifiques, par respect envers les luttes des femmes d’aujourd’hui, d’hier et de demain. Une seule journée dans l’année pour les femmes victimes de violences mérite qu’elle soit respectée.
Cette célébration de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes tous les 25 novembre, a pour origine l’assassinat le 25 novembre 1960, en République dominicaine, des sœurs Mirabal sur les ordres du dictateur et chef de l’État, Rafael Trujillo, après qu’elles aient subi des violences, au sein de leur famille ou hors du cercle familial et des violences commises par l’État. ALORS, RESPECT ! ** Premier appel pour une marche à l’initiative de lesbiennes du MLF.
Contact courriel : cqfd.lesbiennesfeministes@gmail.com
Tract distribué dans la manifestation du 19 novembre avec lequel nous sommes en accord
« 25 novembre, Journée internationale contre les violences faites aux femmes et aux filles
Nous sommes dans la rue aujourd’hui pour dire qu’aucune femme ou fille ne doit subir des violences.
Nous sommes solidaires avec toutes les femmes du monde, lesbiennes ou hétérosexuelles, quels que soient leur milieu social ou professionnel, leur origine, leur handicap, leur âge … Les femmes, qui ont toujours lutté, ne veulent plus payer le prix du patriarcat et du capitalisme, systèmes exploiteurs d’êtres humains dont les victimes sont majoritairement les femmes et les filles.
Nous dénonçons :
- La marchandisation des femmes par la prostitution, la pornographie et la location d’utérus (GPA)
- La culture du viol, inhérente au système patriarcal ;
- Le contrôle du corps et de l’apparence des femmes ;
- L’effacement du sexe au profit du genre.
Nous demandons :
- Des réels moyens et actions pour stopper ces violences, majoritairement masculines, et une réelle protection et justice pour les femmes victimes.
Collectif féministe pour la visibilité des femmes et des lesbiennes dans tous les espaces et les textes officiels.
Paris, 19 novembre 2022.