Interpellation de François Hollande par Monique Dental
Féministes en Mouvement (FEM)
45 associations féministes composant Les Féministes en Mouvement (FEM) ont organisé le 7 mars 2012 à la Cigale à Paris une grande soirée qui a eu pour objectif de remettre l’égalité femmes-hommes à l’agenda de la campagne présidentielle et des priorités politiques. Elles ont dialogué avec les candidat-e-s, leur ont présenté leurs exigences et entendu leurs engagements pour que l’égalité entre les sexes n’en reste plus au stade des déclarations d’intentions.
Dans ce cadre, Monique Dental, animatrice du Réseau Féministe « Ruptures » (contact courriel : monique.dental@orange.fr) a été chargée d’interroger le candidat du Parti Socialiste François Hollande. Nous reproduisons ci-dessous le contenu de son intervention. Vous pouvez visionner l’intégralité de ses réponses sur le site du Parti Socialiste : http://www.parti-socialiste.fr/articles/en-direct-ce-soir-francois-hollande-devant-le-collectif-feministes-en-mouvements
Monique Dental : Bonsoir à toutes et tous. Du MLF il y a quarante ans aux Féministes en Mouvement d’aujourd’hui, mon parcours militant témoigne que la lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes est toujours d’actualité. Ce soir, je vous demande d’accueillir François Hollande, candidat du Parti Socialiste à la Présidence de la République.
Bienvenue François Hollande. Au nom des Féministes en Mouvement, je vous remercie d’avoir accepté notre invitation.
Grâce aux luttes des mouvements féministes des années 1970, les femmes ont obtenu des droits qui ont changé leur vie et celle de la société dans son ensemble. Les avancées ont été considérables. Notre Collectif, Féministes en Mouvements, hérite de ces combats. Mais, dans la période actuelle cette égalité est encore loin d’être réalisée, sans compter les attaques de toutes sortes qui fragilisent nos acquis. Je pense que si je vous pose la question « Etes-vous féministe ? », vous allez me répondre par l’affirmative. Cependant, j’observe que la lutte contre le sexisme n’apparait pas dans les 30 engagements prioritaires des socialistes pour le changement en 2012. Alors, François Hollande, pouvez-vous me dire pourquoi vous êtes féministe ?
Revendication : Ministère des Droits des Femmes de plein exercice attaché au 1er Ministre
Pour nous, les valeurs du féminisme sont une référence essentielle à l’analyse de la transformation de société. Sans égalité, pas de démocratie, pas de progrès, pas d’émancipation. C’est la raison pour laquelle nous considérons que l’égalité entre les femmes et les hommes doit donc redevenir une priorité des politiques publiques. Nous avons noté avec satisfaction votre engagement de mettre en place un Ministère dédié aux Droits des Femmes. C’est également la première revendication de notre Manifeste. Ce Ministère, doit avoir pour vocation de faire appliquer les lois, doit prendre des mesures indispensables pour la réalisation d’une égalité effective entre hommes et femmes et cela, dans une démarche transversale avec les autres ministères.
Comment concevez-vous son rôle et ses actions pour qu’il pèse sur les politiques publiques. Aura-t-il les moyens de cette action ? Et comment ? En un mot, avez-vous une vraie volonté politique dans ce domaine ? Pouvez-vous être précis sur ce point.
Sur les exigences du Manifeste des Féministes en Mouvement (FEM)
Venons-en maintenant aux mesures préconisées dans notre Manifeste. Je voudrais soumettre deux d’entre elles à votre réflexion :
1ère mesure : les places des enfants en crèches
Aujourd’hui, vous le savez, seulement 1 enfant sur 10 a une place en crèche. Cela signifie que dans 9 cas sur 10, les familles doivent se débrouiller seules pour trouver un autre mode de garde ; ce qui creuse les inégalités entre parents et génère des problèmes qui incombe presqu’exclusivement aux femmes. En réalité, la garde de ces enfants repose majoritairement sur la famille, et principalement sur la mère, donc sur les femmes. De ce fait, près d’1 femme sur 2 voit sa vie professionnelle modifiée à la naissance d’un enfant, alors que l’activité professionnelle des femmes est une des conditions de leur émancipation et de leur liberté. Sans compter que l’augmentation du taux d’activité des femmes représente un bénéfice pour toute la société. C’est la raison pour laquelle, nous revendiquons l’ouverture de 500 000 places en crèche et un service public de la petite enfance. (Coût : 5 milliards par an soit 25 milliards sur 5 ans).
Or, vous vous engagez à mettre en place un service public de la petite enfance, mais sans plus de précision. Vous souhaitez qu’il soit « appuyé sur les collectivités territoriales », ce qui constitue, à notre yeux, un grand risque d’inégalités entre les territoires. Pouvez-vous préciser votre position ?
2ème mesure : les temps partiels et la précarité des femmes
J’aimerai maintenant vous soumettre la 2ème mesure qui concerne la question des emplois à temps partiels qui est une des causes majeure de la précarité des femmes.
On vous entend vous exprimer sur les inégalités de salaires, mais peu sur les raisons majeures de la précarité des femmes. Alors que 82% des salariés à temps partiel sont des femmes – autrement dit : 1 femme salariée sur 3 en France – travaille à temps partiel contraint, et non choisi, parce qu’une grande majorité de ces femmes voudraient travailler à temps plein. Et qui dit temps partiel, dit salaire partiel, retraite partielle, indemnité de chômage partielle en cas de licenciement. Ce sont donc des millions de femmes qui se trouvent maintenues en situation de précarité et ou de dépendance économique. N’avons-nous pas là une sorte de nouvelle « armée de réserve » retenue volontairement en situation d’infériorité et de vulnérabilité. Aussi, nous, nous pensons que pour réaliser l’égalité entre les femmes
et les homme, il faut en finir avec le recours au temps partiel contraint des femmes. C’est pourquoi, nous préconisons la mise en place d’une « sur-cotisation » sur les temps partiels afin que les entreprises cessent d’y recourir.
J’observe, à ce sujet, que vous reprenez l’idée de sanction des entreprises qui ont un « recours abusif » aux emplois précaires et aux temps partiels, mais sans préciser ce que vous entendez par « recours abusif ». Alors, où mettez-vous le curseur ? Et quelle appréciation avez-vous de notre proposition ?
3ème mesure : les retraites des femmes
En lien avec la précarité des femmes, et pour le dernier temps de notre échange, abordons la question de la retraite des femmes.
L’écart des pensions s’élève actuellement à 46 % par rapport à celle des hommes. Les raisons sont connues : carrières interrompue pour élever les enfants, temps partiels contraints, période de chômage plus longue que celle des hommes … Alors que les femmes sont les premières touchées par la dernière réforme des retraites, refuser de revenir à la retraite à 60 ans, c’est les pénaliser plus directement et les maintenir dans la précarité. Quelles sont vos préconisations pour supprimer ces injustices, qui sont, de notre point de vue, le reliquat ou le fruit d’une gestion patriarcale toujours actuelle.
Nous sommes arrivés au terme de cet entretien. Avant votre mot de conclusion, sachez François Hollande que si, dans quelques semaines, vous êtes élu Président de la République, nous saurons vous rappeler les engagements que vous avez pris ce soir, mais également vos non-dits.
En vous remerciant encore de votre présence, au nom des Féministes en Mouvement, j’ai le plaisir de vous remettre notre Manifeste.
Contact FEM courriel : rencontresfeministes2011@gmail.com ; pour visionner l’interpellation de tous les candidat-es sur site : http://ellesprennentlaparole.blogspot.fr