De graves atteintes à la liberté d’informer ont lieu dans l’indifférence des candidats
De graves atteintes à la liberté d’informer ont lieu dans l’indifférence des candidats
Qui, parmi les candidats à l’élection présidentielle, a réagi à la mise en examen de cinq journalistes enquêtant sur une affaire d’intérêt général aussi connue que l’affaire Bettencourt ? Qui s’est prononcé sur le placement en garde à vue de Marie Maffre alors qu’elle réalisait un documentaire sur Jeudi Noir, une association luttant contre le mal-logement, et la saisie de son matériel journalistique ? Quel candidat s’est inquiété de l’annulation de la mise en examen de Philippe Courroye, procureur de la République du parquet de Nanterre poursuivi pour atteinte au secret des sources journalistiques ? Qui s’est insurgé contre le harcèlement judiciaire subi par Christophe Grébert, conseiller municipal de Puteaux, qui tient un blog sur sa ville ? Qui osera affirmer que les réactions à la proposition présidentielle de pénaliser la consultation des sites terroristes ou violents ont été fermes et courageuses ? Tous ces événements d’actualité auraient dû, à la veille de l’élection présidentielle, permettre aux candidats de marquer leur soutien à la liberté d’information. Cela n’a pas été le cas. Les prises de position, quand il y en a eu, ont été trop timides.
Reporters sans frontières déplore vivement que la question de la liberté de la presse soit presque totalement absente de la campagne présidentielle. Cette série d’incidents, survenus récemment, montrent pourtant que la liberté et l’indépendance des journalistes est toujours menacée, toujours à défendre : relations contrariées avec les autorités judiciaires et policières, violations du secret des sources, saisies de matériel de journalistes, poursuites et demandes de retrait de contenus, intimidations de la part d’élus politiques…
Les recours en justice et les poursuites contre la presse sont régulières et incessantes, et ce depuis plusieurs années. La mise en examen le 29 mars 2012, par exemple, de Franz Olivier Giesbert et Hervé Gattegno, respectivement directeur et rédacteur en chef du Point, puis celle, le 5 avril, d’Edwy Plenel et Fabrice Arfi, directeur et journaliste à Mediapart, et de Fabrice Lhomme, désormais au Monde, pour “atteinte à l’intimité de la vie privée », est révélatrice d’une anomalie francaise. “Dès qu’il touche à une affaire sensible, un journaliste ou un blogueur doit se préparer à des démêlés avec la justice. Ce harcèlement est nuisible à la liberté de l’information et distille un climat qui ne peut malheureusement que favoriser l’autocensure, a déclaré Reporters sans frontières. Nous ne pouvons qu’être surpris du silence des candidats à la fonction suprême quant à des questions qui touchent au coeur même de notre démocratie, alors que les violations et abus sont réguliers. Mis bout à bout, ces derniers dressent un tableau préoccupant.”
La liberté de la presse, qui souffre de graves manquements et de violations inacceptables dans une démocratie, devrait beaucoup plus préoccuper les candidats à la présidentielle. Reporters sans frontières rappelle dans son rapport les principales pierres d’achoppement à l’indépendance de l’information en France, classée 38e sur 179 pays dans le classement 2011/2012 de la liberté de la presse.
Des propositions bien maigres en matière de défense de l’indépendance des rédactions et de la liberté journalistique
Si la majorité des candidats se prononcent contre la loi HADOPI, si certains veulent mettre fin au mode de nomination actuel des présidents de l’audiovisuel public, si quelques-uns encore proposent de réformer le CSA ou de préserver l’indépendance de l’AFP, on s’étonne du manque de propositions claires pour une réforme de la loi sur la protection des sources.
Alors que d’autres traités internationaux sont invoqués, très peu de mots sur la nécessité de ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur l’accès aux documents publics. Aucun candidat ne mentionne dans son programme la formation des forces de police au respect du droit à l’information, alors que les incidents se multiplient lors de manifestations, dans le cadre d’enquêtes préliminaires ou de réquisitions… Personne ne dénonce la difficulté pour la presse d’accéder aux centres de rétention des étrangers, alors qu’une campagne a été lancée sur ce thème et que l’actualité rappelle régulièrement que ces lieux d’enfermement posent question. Il est urgent que ces thèmes soient enfin abordés.