« Féministes face aux défis politico-religieux : mieux agir »
Journées de Formation CNDF/ADRIC, Paris 23 octobre 2005
« Féministes face aux défis politico-religieux : mieux agir »
Table ronde : « Approche des stratégies féministes
face aux mouvements politico-religieux »
« 10 ans de riposte féministe face aux intégrismes et pouvoirs religieux :
De la 4ème Conférence Mondiale de Pékin au rejet du Traité Constitutionnel
Européen »
par Monique Dental
Fondatrice du Collectif de Pratiques et de Réflexions Féministe « Ruptures »
Animatrice des activités en réseau dans la mixité
Quelques éléments de contexte qui ont précédé l’organisation des mouvements intégristes dans les institutions internationales
En 1989, la première affaire du foulard, à Creil, retentit en écho au bicentenaire de la Révolution Française. Au cours de cette période, les intégristes iraniens implantent leur courant chez les musulmans algériens.
En mars 1989 en Algérie, des associations de femmes algériennes organisent une manifestation contre le Code de la Famille. Elles demandent aux féministes du monde entier de venir les soutenir. Je me suis rendue en Algérie pour le Collectif Féministe « Ruptures, avec d’autres féministes de différentes associations, nouant ainsi des contacts qui n’ont fait que se renforcer depuis.
Les 30 Novembre et 1er décembre 1989 se tient à Alger la 1ère Rencontre nationale des femmes algériennes qui revendiquent leur existence en tant que mouvement de femmes indépendant, dans une démarche féministe et adopte une plateforme d’actions. (1)
Quelques années plus tard, des femmes qui exercent le métier de coiffeuse deviennent les cibles symboliques des intégristes. Leurs exactions atteignirent rapidement les femmes en général.
C’est au colloque « Folie au féminin », en octobre 1993 à Alger, qu’Elisabeth Zucker est informée de ces massacres par des militantes d’associations de femmes algériennes qui attendent des françaises l’organisation d’un soutien international. A son retour en France, Elisabeth Zucker m’a contactée et nous décidons d’organiser avec Claude Charron une rencontre d’informations pour le mouvement féministe le 1er novembre 1993. C’est à cette réunion que j’ai proposé la création du RISFA (Réseau International de Solidarité avec les Femmes Algériennes) qui organisera en mars 1994, sur le Parvis des Droits de l’Homme, un premier rassemblement en solidarité avec les femmes algériennes assassinées. (2)
Cette activité en réseau du RISFA a été possible grâce au travail de solidarité impulsé antérieurement par des associations féministes. C’est ainsi que dans le Collectif Féministe « Ruptures », nous avions mis au point des stratégies de luttes avec les associations de femmes iraniennes en exil luttant notamment contre les lapidations. Nous avions été également en contact avec d’autres associations de femmes dans un certain nombre de pays (comme le Réseau Femmes Sous Lois Musulmanes) qui commençaient à se protéger de la résurgence des différents intégrismes « traditionnels » qui se nourrissaient de l’émergence de l’intégrisme islamique.
I – Les stratégies de pénétration des mouvements intégristes dans les institutions internationales
Ces stratégies seront de deux ordres : être représentées au sein des ONG par leurs propres associations de femmes ; se servir des délégués des Etats dans les conférences officielles organisées par l’ONU comme vecteurs de leur théorie.
1. C’est d’abord à la Conférence Mondiale sur la Population qui s’est tenue au Caire en 1994 que les intégristes se sont manifestés de manière organisée.
Les enjeux de cette conférence sur les questions de démographie furent très vite ressentis comme essentiels par les ONG de femmes présentes. Des pays comme l’Iran, l’Arabie Saoudite et d’autres du Groupe des 77 (comme des pays catholiques d’Amérique Latine) remettent en cause nos droits concernant le contrôle de notre corps, de notre fécondité et de notre sexualité. Ce sont alors les luttes menées par les associations qui permettront à la France de présenter un texte de compromis sauvegardant le droit à la contraception et à l’avortement.
Cette alliance des femmes pour protéger nos droits menacés a représenté un vrai contre pouvoir, en particulier face à ce qui est apparu comme « l’internationale intégriste » : les pays conservateurs musulmans derrière l’Iran, et les pays conservateurs catholiques derrière le Saint-Siège.
2. Aux différentes réunions internationales qui suivirent dans le cadre de la préparation de la Conférence mondiale de Pékin,
Les associations ont du également faire face à la montée des intégrismes et pour cela transcender leurs clivages, en se mettant d’accord sur un minimum d’idées communes pour exiger que « les délégations étatiques s’engagent fermement à veiller à toutes dérives archaïsantes que la contagion intégriste provoque dans les pays démocratiques.» (3)
Les revendications suivantes furent également présentées :
– la nécessité que toutes les femmes vivant en France, françaises et immigrées, bénéficient des mêmes droits ;
– l’exigence que soient retirées toutes mentions de discriminations envers les femmes sous lois musulmanes, maintenues dans les Conventions bilatérales passées entre la France et les pays d’immigration ;
– que les Etats prennent des mesures de protection à un niveau international pour les femmes victimes de l’intégrisme musulman : femmes iraniennes, algériennes, pakistanaises, ainsi que pour celles victimes de l’intégrisme juif catholique ;
– qu’aucune ségrégation ne soit pratiquée à l’égard des athlètes féminines par les organisateurs des Jeux Olympiques d’Atlanta et que soit exclut des manifestations sportives internationales tout état qui n’aurait pas de femmes dans leur délégation. (Association Atlanta Plus) ;
– l’intégration du statut de réfugiée politique pour fait de sexisme dans la Convention de Genève (La Ligue Internationale du Droit des Femmes).
Nous avons alors pris conscience que les femmes devenaient la cible principale de tous les intégrismes religieux. Dès lors, ils ont représenté le danger le plus grand de remise en cause des droits des femmes au niveau international.
Une question se posait à nous : « Pourquoi les femmes sont-elles d’abord la cible des intégrismes ? ». Une des réponses avancées : « parce que les femmes sont l’enjeu de la modernité » donnera lieu à des analyses. « Qu’est-ce que la modernité ? » et « quel rapport a-t-elle avec la démocratie ? » (4)
3. A la Conférence de la région de l’E.C.E. de l’ONU, à Vienne en octobre 1994 de nouvelles contradictions émergent.
Il convient de préciser ici que le découpage Europe de l’ONU correspond à un regroupement de pays aux intérêts basés davantage sur l’organisation de l’OMC et non sur l’Europe géographique des 10 et même des 25.
Des associations de femmes polonaises prirent position contre l’IVG et des ONG de femmes intégristes s’affrontèrent aux ONG qui prônaient la séparation du religieux et de l’Etat comme seul garant des droits des femmes. Des ONG de femmes appartenant à des Etats intégristes n’hésitèrent pas à exiger que seules les femmes musulmanes prennent la parole dans certains débats.
Des différences de définition apparurent également pour qualifier les intégrismes entre les féministes françaises et les féministes anglo-saxons qui utilisaient le terme « fondamentalisme » en réfutant tout danger pour les droits des femmes.
Nous avons alors pris conscience que les mouvements féministes dans le monde se devaient de définir des stratégies en contre à l’alliance objective des intégrismes désireux d’investir les institutions sur la scène internationale.
4. La 4ème Conférence mondiale sur les Femmes à Pékin, août 1995
C’est au cours du Forum des ONG intitulé : « Voir le monde avec des yeux de femmes » que s’est formalisé pour la première fois et s’est organisé de manière concertée le rapport de force des femmes contre les intégrismes religieux dont la virulence des attaques provenait tant du coté des « ONG » que de celui des délégations étatiques. (Tentative d’un délégué étatique iranien d’exclure de la conférence une déléguée du Collectif Féministe « Ruptures »). (5)
Après avoir dressé l’état des lieux des exactions intégristes à l’encontre des femmes dans le monde, constaté les limites du droit international face à la revendication d’un statut de « réfugiée politique pour fait de sexisme » ; débattu des codes de statut personnels qui régissent la vie de millions de femmes dans le monde (comme celle présentes sur notre sol dans le cadre du regroupement familial) ; considéré la force monumentale que représente les femmes aujourd’hui par leurs mobilisations, nous avons analysé en ateliers et en séances plénières les stratégies utilisées, sous nos yeux, par les associations intégristes.
Nous avons du nous affronter aux ONG intégristes dans tous les débats qui portaient le titre de « Lutte contre les intégrismes », « Lutte contre les fondamentalismes » ou « Question autour des religions », car la ruse des associations intégristes fut de donner un titre suffisamment large, en utilisant le mot religion par exemple, pour imposer leur propagande.
Les stratégies des ONG et des Etats intégristes à la Conférence de Pékin ne sont pas apparues de façon homogène. Au début, les femmes des associations intégristes nous prenaient à témoins de leurs revendications, en invoquant la solidarité avec les autres femmes. Ces « femmes islamistes égalitaires » prônaient un discours égalitariste en s’adressant à nous comme « leurs sœurs », pour nous faire croire qu’elles étaient porteuses de revendications similaires aux notre, bien que placées dans un contexte culturel différent. C’est ainsi que se sont manifestées les tactiques et les stratégies des mouvements intégristes de toutes religions et leur collusion avec l’extrême droite.
La riposte, organisée notamment par les femmes des associations « Maghreb 95 » et « Maghrébines Solidaires », s’est heurtée aux intégristes islamistes, hommes et femmes menaçants, qui, à Pékin, jetant le masque, n’hésitèrent pas à photographier et à « ficher » les participant-es aux débats.
Nous avons bientôt vu à l’œuvre la collusion de tous les intégrismes religieux qui ont tenté de remplacer la notion d’ « égalité » par celle « d’équité » et de remettre en cause les « droits acquis » en matière de libre choix de maternité et de libre choix sexuel.
Ce que nous avons retenu de la mobilisation de la Conférence Mondiale de Pékin, c’est la présence massive d’associations prétendument dénommées ONG, possédant des moyens faramineux, qui n’étaient en réalité que des organisations paragouvernementales, paraétatiques intégristes et qui, de ce fait, n’auraient jamais dû être représentes à cette Conférence mondiale qui portait essentiellement sur les droits des femmes dans le monde.
Ce sont les luttes menées par les ONG de femmes de différents pays qui s’opposèrent principalement à elles et qui ont permis de maintenir la notion d’égalité dans la plate-forme finale d’action issue de la Conférence mondiale. L’extrémisme religieux y est explicitement « condamné pour les menaces qu’il fait peser sur les femmes, conduisant à la violence et à la discrimination ». (6)
Des manifestations et des mobilisations à l’encontre des intégristes ont témoigné, chaque jour, du rapport de forces qu’ils tentaient de nous imposer sur le site du Forum des ONG à Hairou, comme en témoigne le film de Jamileh Nedai.
5. Ces contradictions nous ont obligé à clarifier un certain nombre de questions.
Pourquoi les intégristes aujourd’hui ont-ils besoin de réaliser une telle hégémonie sur le monde ? Pourquoi cela passe-t-il prioritairement par la maîtrise des femmes qui subissent les exactions intégristes au quotidien ? Quelle passerelle représente la domination des femmes pour atteindre leurs objectifs ? Quels intérêts communs ont les intégrismes à être partenaires dans la perspective des politiques de globalisation de l’économie mondialisée ? Les femmes seront-elles à nouveau physiquement et moralement éliminées sur l’autel de la mondialisation ?
Des analyses ont risqué une mise en parallèle de la période de l’inquisition au Moyen Age en Europe et des crimes des intégristes musulmans de nos jours. Elles ont considéré que la période de la formation historique du capitalisme en Europe était conditionnée par la maîtrise des comptoirs marchands d’Orient et du Moyen-Orient détenus alors par les Arabes. Pour y parvenir, l’église catholique organisera dans un premier temps les croisades, puis l’Inquisition, pendant plusieurs siècles en Europe, choisira de s’imposer par le feu en mettant principalement au bûcher les femmes pour crime de sorcellerie dans le but incantatoire de maîtriser leur corps, « impur à leurs yeux ». Ainsi plusieurs milliers périront ainsi … jusqu’à nos jours.
Occuper une place hégémonique dans cette nouvelle recomposition du monde fait des femmes un enjeu pour l’entrée d’un certain nombre de pays dans la modernité, tout comme les femmes furent aussi l’enjeu pour l’entrée dans le capitalisme marchand au Moyen Age. « Ainsi, cette similitude de données dans des contextes très différents, où les femmes sont les premières victimes des intégrismes religieux tonne comme une répétition de l’histoire qui font sens et nous indique quelque chose. » (7)
De la conférence de Pékin, nous retiendrons que les avancées pour les femmes ont été fragilisées par la violence des intégrismes religieux qui ont été perçus comme le danger le plus grand de remise en cause des droits des femmes dans le monde pour la période à venir.
6. L’organisation des réseaux en France après la Conférence de Pékin
C’est en faisant ce constat que des associations ont décidé de s’organiser en réseau international de lutte contre tous les intégrismes en constituant le Réseau Femmes contre les intégrismes à Lyon. Ce dernier, avec le Réseau Femmes Sous Lois Musulmanes qui existait antérieurement, s’est donné comme objectif d’ « alerter l’opinion publique internationale sur les agissements des intégristes contre les femmes ; de poursuivre la solidarité avec leurs victimes ; d’organiser la résistance contre la prise du pouvoir par les intégristes ». (Interview Journal Les Verts 1er au 7 mars 1997).
En guise de bilan, les ONG des associations de femmes qui ont participé aux Conférences mondiales ont d’abord été un contre-pouvoir, puis progressivement, avec le statut de partenariat qui leur a été reconnu, elles ont perdu au cours des années, et leur radicalité et leur faculté critique. Là se trouve les limites des ONG dans les Conférences Mondiales : le système onusien en place sait les solliciter uniquement quand leurs propositions servent les intérêts des Etats.
La question demeure donc pour ces ONG de femmes de redevenir un contre-pouvoir. Cela est-il possible ? Le relai de la radicalité a été repris, quelques années plus tard, par la Marche Mondiale des Femmes en 2000, puis par les associations féministes impliquées dans les Forums Sociaux Mondiaux et les Forums Sociaux européens à partir de 2001.
II – Et depuis en Europe … la stratégie d’entrisme généralisée a produit l’avancée des intégrismes religieux au niveau international
Une infiltration au cœur même des espaces de résistances et d’alternatives à l’échelle de l’Europe et du monde, autour des Forums Sociaux européens et mondiaux va provoquer de nouvelles divisions dans « le camp des progressistes ».
La préparation du FSE à Saint-Denis en 2003 nous en a fourni un exemple avec les propos virulents tenus par des membres du M.I.B. (Mouvement Immigration Banlieue) et de l’association Présence Musulmane envers des militantes féministes de l’association « Ruptures » et de la Marche Mondiale des Femmes notamment. Bientôt taxées de « racistes » et soupçonnées d’« islamophobie », le déni des droits pour les femmes au nom de dogmes religieux ou de pratiques « culturelles » est de plus en plus difficile à faire entendre.
Ces faits relèvent de fonctionnements anti-démocratiques qui conduisent à des dérives répétées pendant la tenue du FSE de Saint-Denis en 2003. Les intimidations, les coups de force de quelques-uns n’étant pas critiqués, ils sont ressentis par ces militants comme des assentiments laissant s’installer des fonctionnements autocratiques, des pratiques et des stratégies des courants intégristes qui utilisent l’Islam comme islam politique, l’ « affaire du voile » et les polémiques autour de Tarik Ramadan n’étant que les épiphénomènes de la face visible de l’iceberg.
Ce sont par ailleurs des raisons tactiques, dans le but de préserver des alliances avec des mouvements de jeunes des banlieues d’origine maghrébine, qui ont conduit des militant-es, organisateurs des FSE à se taire sur des attitudes réactionnaires, dans l’espoir de les « gagner » au mouvement alter mondialiste. Or, cet espoir apparaît aujourd’hui bien vain comme l’ont démontré les propos et les attitudes de groupes au FSE de Londres en octobre 2004.
Ces situations, symptomatiques d’un climat et d’un contexte général très dégradés, soulignent la période de grande confusion dans laquelle nous vivons. A titre d’exemple : dans un regroupement se réclamant d’une démarche alternative à la politique, des militant-es de l’association « Une Ecole pour tous-tes », ont refusé, à dessein, le débat pluriel et contradictoire, et utilisé une tribune pour laisser supposer que leur point de vue était la position « officielle » de cette organisation, évitant ainsi une réelle confrontation entre des positons divergentes.
III – La montée des intégrismes au sein des institutions européennes
1. Les femmes oubliées de la Convention pour l’avenir de l’Union européenne
C’est dans la version initiale de la Convention chargé de faire des recommandations sur les enjeux fondamentaux concernant l’avenir de l’Europe à la Conférence Intergouvernementale qu’apparaissent des positions remettant en cause les engagements pris par l’Union européenne en 1995. Elle avait jusqu’alors promulgué des directives et des recommandations favorables aux femmes sur la participation équilibrée des hommes et des femmes aux prises de décision ; elle avait mis en place un réseau d’expertes pour produire des données statistiques et, lors de la Conférence « Pékin +5 » en juin 2000, elle avait contribué à renforcer la stratégie de l’égalité intégrée dans toutes les politiques publiques (« le mainstreaming ») qui a représenté une conception nouvelle de l’égalité. (8)
En trois ans, pour tout ce qui touche à la sexualité, l’homosexualité, la contraception et la prévention du sida, les choses ont beaucoup changé. Alors que jusqu’en 2003, il existait au sein de l’Union une sorte de consensus, depuis des campagnes de mouvements et de médias intégristes ont inondé la Présidence de la Commission, plus grave furent les auditions par le Parlement de militants pro life envoyés au titre d’experts reconnus et qui étaient bien identifiés pour leurs liens avec les « Légionnaires du Christ » (organisation occulte considérée comme le bras agissant du Vatican). Ce qui fait déclarer à Véronique de Kaiser, députée européenne belge et socialiste, le 15 janvier 2005, dans une interview à Libération: « on est au début d’un processus de montée des intégrismes religieux, chrétiens essentiellement, au sein des institutions européennes, orchestré depuis le Vatican et les Etats-Unis. Les progressistes ont une majorité qui tient au fil du rasoir continue-t-elle et les parlementaires évitent les mots qui font polémiques. Avortement par exemple est devenu tabous. On parle désormais de la santé reproductive » … Rien d’étonnant dans ces conditions que la députée slovaque Anna Zaborska, imposée par le PPE (droite européenne), connue dans son pays pour ses positions anti-avortement et sa proposition d’interner les homosexuels dans des hôpitaux psychiatriques, ait été nommée présidente de la Commission des femmes au Parlement.
Comment expliquer cette évolution ? Les chrétiens intégristes sont plus radicaux qu’avant. Pour parvenir à remettre en cause l’IVG, ils avancent de façon sournoise en lançant par exemple le débat sur le statut du fœtus, comme cela a été le cas en France avec la tentative d’amendement Garraud.
2. Qu’en est-il dans le Traité Constitutionnel européen (TCE) qui a donné lieu au référendum du 29 mai dernier ? (9)
– Le droit à la contraception, à l’avortement et à l’orientation sexuelle de son choix.
Alors que la maîtrise de son corps est une liberté pour les femmes dans la société, l’interdiction de l’avortement existe toujours en Irlande et au Portugal, à Malte et à Chypre, est étendue à la Pologne et à la Bulgarie (pays candidat à l’UE en 2007), et pourrait gagner la Slovaquie. De quelle égalité pour les femmes parle-t-on, quand la maîtrise élémentaire de sa fécondité n’est pas garantie.
Par contre le « droit à la vie » est stipulé dans la Charte à l’Article II-62. Cette formulation ambiguë qui renvoie à d’interminables querelles sur le droit du fœtus – qui n’est pas encore né – reprend le slogan des manifestants « pro vie ». C’est une véritable provocation, c’est un encouragement aux commandos anti-IVG, une brèche ouverte à la remise en cause de l’IVG dans les pays les plus réticents à la liberté conquise par les femmes de disposer de leur corps.
A cet égard, Simone Veil, en campagne pour le oui, a déclaré dans un hebdomadaire le 3 mai 2005 au sujet de l’IVG que « l’imposer à tous serait une grave erreur parce que l’Union européenne est multiple et ses droits nationaux ». La Coordination Féministe pour le Non à la Constitution a opposé à cet argument que le « droit à disposer de son corps est universel, qu’il est un préalable à toute émancipation des femmes dans la société, il ne peut donc être soumis au relativisme culturel ».
La reconnaissance d’un statut donné aux églises et aux communautés religieuses
L’article 1-52 accorde aux églises et aux communautés religieuses un statut tout à fait particulier en leur reconnaissant « une identité et une contribution spécifique en maintenant (avec elles) un dialogue ouvert, transparent et régulier » au même titre que des associations représentatives de la société civile. (1-52.3)
Cette reconnaissance constitue un danger pour les libertés conquises par les femmes. Depuis trop longtemps, les religions ont soutenu et conforté le système patriarcal en maintenant les femmes en situation d’infériorité. Avec cet article, structurellement, l’Europe se trouverait plombée par le poids des appareils religieux qui pèserait sur ses décisions. En Europe, comme partout dans le monde, la montée des intégrismes religieux et identitaires sont très fortement misogynes. Ils représentent une menace croissante contre nos droits acquis.
Seule la réaffirmation du principe de laïcité appliquée à toutes les institutions et règles de l’Union sera en mesure de garantir les droits des femmes contre les pressions des églises qui agissent dans les Conférences Mondiales de l’ONU. C’est pourquoi nous devons rester plus que jamais parties prenantes de la lutte contre tous les intégrismes religieux.
(1) Voir Bulletin du Réseau Féministe « Ruptures » 1990
(2) Voir tract dossier RISFA Centre d’Archives et de Documentation du Réseau Féministe « Ruptures »).
(3) Voir Bulletin du Réseau Féministe « Ruptures » 1994
(4) Voir Bulletin du Réseau Féministe « Ruptures » 1995
(5) Compte-rendu public de la Conférence mondiales sur les femmes par le Collectif Féministe « Ruptures » AGECA, octobre 2005.
(6) Idem
(7) Rapport des ONG « Voir le monde avec des yeux de Femmes » Conférence de Pékin.
Dossier ONG Centre d’Archives et de Documentation du Réseau Féministe « Ruptures ».
(8) Les femmes, oubliées de la Convention pour l’avenir de l’Union. Article La marseillaise, 2003.
(9) Voir la déclaration de la Coordination Féministe pour une Europe Alternative et l’exposé de
Monique Dental pendant la campagne pour le non au Traité Constitutionnel Européen.