Bloc-notes Jacques Perreux atelier « ça s’écrit « eau », ça se lit démocratie
Bloc-notes de Marseille : vendredi, ça s’écrit « eau », ça se lit démocratie.
L’eau, notre bien commun vendredi 16 mars 2012
Retour aux docks du sud, pour un atelier que je coanime sur les mobilisations citoyennes. Des expériences aux quatre coins du monde.
En Italie, la victoire au référendum, qui annule un projet de loi sur la privatisation.
Ou comment, malgré l’indifférence – au mieux – des partis et des médias dominants, la mobilisation citoyenne a fait flancher un processus de privatisation rampante enclenché dès les années 80. 1,4 million de signatures de citoyens pour la préservation d’un bien commun. Porte à porte, internet et réseaux sociaux, affichage et drapeaux sur les balcons, souscription d’un prêt populaire, manifestations, désobéissance civile… Un impressionnant panel d’outils de mobilisation, et au final une victoire enthousiasmante.
Ailleurs, le combat est plus difficile encore. En Colombie, un paradoxe scandaleux, qui voit des millions de personnes privées d’accès à l’eau, alors même que le pays est la 7ème réserve d’eau potable au monde.
Au Maroc, malgré les insuffisances, le droit à l’eau reconnu par l’Etat. Un encouragement pour les villageois de Bensmim, spoliés de leur eau, qui est revendue en bouteille ?
Nous sommes le peuple
Berlin, Madrid… Equateur, Grèce… Les contextes sont à chaque fois spécifiques. Partout, émerge pourtant une idée force : avec le droit à l’eau ne se joue pas seulement la question de l’accès à la ressource, mais aussi, profondément, celle de l’implication des citoyens dans la décision, et de la justice sociale. En un mot : la démocratie. Une démocratie qui se construit par le bas.
Car l’étonnant succès du forum alternatif le confirme : plus de 4 500 participants, 60 pays représentés – malgré le manque de moyens. Et partout, une impressionnante expertise citoyenne. Nous sommes le peuple, disait si bien Pilar, venue présenter les mobilisations autour du canal Isabelle II à Madrid. Reste seulement à prendre conscience de notre force et de nos compétences.
Eva Joly comme un poisson dans l’eau
14 h. La citoyenne Eva Joly remplit son bulletin d’inscription pour accéder au forum. Poignée de mains, photos, encouragements, embrassades… Et quand ce n’est pas du soutien, on sent toujours du respect pour cette grande dame.
Arrivée dans la salle de presse pendant plus d’une heure la candidate, se soumet aux questions des associations. Les réponses sont précises, concrètes. Sans détour ni langue de bois. Pour elle Rio+20 doit dresser le bilan catastrophique de la gestion libérale et productiviste de l’eau : barrages et déplacements de populations, pollution des sols,…
Pour une agence mondiale de l’eau
Elle se prononce pour la création d’une agence mondiale de l’eau, sous l’égide de l’ONU, qui organiserait en lieu et place du conseil mondial de l’eau le prochain forum.
Plaidoyer passionné contre les gaz de schiste. Elle nous alerte sur les derniers propos de François Hollande, peu rassurant pour tous ceux qui se sont mobilisés contre les permis d’exploration.
Elle valorise avec enthousiasme les expériences démocratiques de type référendum menées dans le monde. Et se prononce sans ambiguïté pour gestion publique. En s’appuyant sur un exemple très local : le même mètre cube d’eau, qui coule des Alpes vers la côte, à travers les mêmes canaux, coûte 1,97 euros à Aix, en régie publique, et 3,2 euros à Marseille, où Veolia règne depuis des décennies. Pour elle, la régie est aussi meilleure d’un point de vue écologique et philosophique : l’eau est un bien commun.
Elle raconte aussi comment, avec son ami José Bové, elle se bat pour une transformation radicale de la politique agricole commune, en faveur de l’agriculture paysanne, infiniment plus respectueuse de l’environnement. Elle nous quitte pour une visite dans les quartiers nord de Marseille
Ancienne juge, Eva sait que c’est aussi sur le terrain juridique que se mène la bataille. Le tribunal de l’eau a été au centre de nombreuses discussions. Il s’agit notamment de promouvoir des normes, d’en créer de nouvelles : c’est notamment la notion d’empreinte aquatique, forgée par l’Unesco.
Laissons le dernier mot de cette journée à Michel Partage, président de l’association E.A.U. (élus, associations, usagers) : lorsque le peuple prend la responsabilité des débats sur le bien commun, les tabous tombent, les marchands d’eau frémissent, et le Forum alternatif propose les solutions alternatives pour l’intérêt de tous.