Du pain et des roses : du socialisme pour les cuisinières ? des cuisinières pour le socialisme ?
• L’appel original à la réunion du 9 juin 1981 à la Mutualité à Paris :
Du pain et des roses :
du socialisme pour les cuisinières ?
des cuisinières pour le socialisme ?
« Du pain et des roses », c ‘est déjà ce que demandaient, en 1912, les ouvrières de Lawrence (Massachussets USA), en grève non seulement pour améliorer leurs conditions de travail mais pour transformer profondément leur situation dans la société et changer la vie.
D’elles notamment,parmi des générations de femmes en lutte et dont l’Histoire a si rarement gardé la trace, nous nous revendiquons aujourd’hui.
Quant aux « cuisinières », on sait que Lénine parlait de les mettre à la tête de l’État.
On sait aussi ce qu’il en advint.
Ces deux références définissent les grands axes de nos préoccupations actuelles Femmes en lutte pour notre libération, nous avons accueilli avec joie l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, et nous souhaitons activement la victoire de la Gauche aux élections législatives. En effet, nous nous réjouissons de voir naître une société où les inégalités et les injustices se réduisent, où les hommes ne sont plus décapités, expulsés, bâillonnés. Mais nous aimerions aussi connaître un jour une société dont la règle d’or cesserait d’être l’appropriation, la négation, l’asservissement, en un mot l’oppression des femmes.
Nous avons lu l’Histoire. Nous savons q ue le socialisme n ‘a pas toujours favorisé la libération des femmes et même qu’il s’y est, parfois dramatiquement, opposée et que des femmes socialistes elles-mêmes ont pu refuser le féminisme. Rares en effet sont, dans l’Histoire de la Gauche et du mouvement ouvrier, les moments où les luttes des femmes ont été réellement prises en compte. Et d’ailleurs les femmes, conscientes de ne pouvoir compter que sur leurs propres forces, ne se sont-elles pas, à plusieurs reprises, organisées en mouvement autonome ?
Le groupe féminisme et politique, créé à I’initiative de militantes qui, depuis dix ans et plus, participent au mouvement de libération des femmes (et se sont opposées au dépôt récent de la marque commerciale M LF), s’inscrit dans cette perspective.
Groupe issu à l’origine du Collectif de la marche du 6 octobre 79, il est constitué de femmes ayant participé à un grand nombre de projets et d’initiatives du Mouvement : des journaux et revues (Le torchon brûle, Les femmes, s ‘entêtent, Parole! , Histoires d ‘Elles, la Revue d ‘En face, etc) aux manifestations (depuis celle de I’Arc de Triomphe en août 1970 jusqu’à la manifestation des femmes contre I’intervention soviétique en Afghanistan en mars 1980); des groupes d’étude et de réflexion (Groupe féministe de Paris VII, le Collectif femmes-avocates) aux campagnes politiques pour l’avortement, contre le viol, etc. S ‘il nous est arrivé le plus souvent de nous retrouver ensemble sur ces actions, nous avons été parfois en désaccord, voire en conflit les unes avec les autres. Mais aujourd’hui, cette diversité d’itinéraires, d ‘intérêts et de pratiques constitue à nos yeux l’atout essentiel de ce groupe.
La victoire de la Gauche peut ne rien changer à l’ordre patriarcal. Elle peut aussi être une chance, si les femmes veillent à ce que leur libération ne soit pas une fois de plus différée, subordonnée à d’autres priorités, oubliée – ou bien dévoyée, réduite à quelques annexes de loi, à quelques mesures-alibi.
Nous faisons le pari que dans la nouvelle dynamique sociale instituée en France depuis le dix mai, les luttes anti-patriarcales continuent de se développer de façon autonome et indépendante tout en ayant droit de cité dans la société plus juste que nous souhaitons. Pour gagner ce pari, pour ne pas être une fois de plus les flouées du changement, il nous paraît aujourd’hui important de mettre en commun nos expériences, nos réflexions, de « faire le point » de nos engagements et de nos espoirs.
Quelle place le socialisme a -t-il, par le passé, accordé aux femmes dans ses projets de société ? Et dans les faits ? La notion de « vote des femmes » est-elles existe ? Comment s’arrange-t-on d ‘apporter sa voix et son soutien à un parti dont l’hymne proclame virilement : « Libérons la femme, libérons l’école »? Quels rapports le féminisme entend-il a voir avec les institutions (étatiques, patriarcales ?) Le féminisme est-il un syndicalisme de plus ? La société proposée par la Gauche changera-t-elle la division sexuelle du travail ? les rapports de production ? les structures de désir ? Autant de questions qui se posent à nous, parmi beaucoup d ‘autres, et dont nous nous proposons de débattre, le
MARDI 9 JUIN 1981
à la Mutualité
24 rue St. Victor 75005
à 20 heures précises
Réunion non mixte
Entrée 20 F
Organisée par I’Association féminisme et politique, du Mouvement de Libération des Femmes