Manifeste des hommes pour l’abolition de la prostitution (Espagne)

Manifeste des hommes pour l’abolition de la prostitution (Espagne)

Sur le site de Sisyphe : source – http://sisyphe.org/article.php3?id_article=2775 –

Des féministes espagnoles ont organisé cet été, à Barcelone et à Madrid, des « Journées sur la prostitution et la traite des femmes en Catalogne », à l’occasion du premier anniversaire de la Journée de lutte contre l’exploitation sexuelle, créée le 13 août 2006. Cette année, on a mis l’accent sur la publicité de « services sexuels » affichée dans les journaux espagnols par les proxénètes qui ont fait de l’ Espagne un des principaux points de transit de la traite des femmes à des fins sexuelles. Les organisatrices ont aussi fait valoir l’importance de « confronter les hommes dans la lutte contre l’appareil prostitutionnel ». En réponse, un groupe d’hommes pro-féministes, La Asociación de Hombres por la Abolición de la Prostitución s’est joint par le manifeste ci-dessous au projet de « conscientiser les pouvoirs publics et la société sur la nécessité de trouver des solutions au problème de la prostitution ». En plus de publier ce manifeste, ils ont réclamé de l’Administration la mise en œuvre de moyens humains et matériels – logement, allocations, suivi social – qui faciliteraient la réintégration sociale des personnes prostituées, lorsque c’est ce que souhaitent ces personnes. Fait à noter : le site Web où ces idées sont affichées, a fait l’objet d’attaques et de détournements informatiques venues du camp pro-prostitution.

À tous les hommes partisans de l’égalité entre les hommes et les femmes

Nous, hommes favorables à l’abolition de la prostitution, remettons en question le modèle traditionnel de la masculinité, basé sur les idées de contrôle, de domination et de refus des émotions. Nous manifestons en faveur d’une société totalement libre de machisme et de discrimination basée sur le genre. Pour cette raison, nous considérons la prostitution comme une manifestation de l’exploitation sexuelle.

Voilà pourquoi, dans le débat sur ce thème, nous souhaitons apporter notre point de vue :

Nous soutenons que la sexualité doit se vivre sur un plan de liberté, d’égalité et de correspondance mutuelle, libre de hiérarchies, de domination et de marchandisation.
Nous dénonçons la prostitution comme un mode d’exploitation sexuelle des personnes prostituées, pratiquement toutes des femmes, lequel contribue à perpétuer et à rendre socialement acceptable la violence de genre.
Nous refusons que l’éducation sexuelle de la majorité des gens repose sur la pornographie, une industrie où sont reproduits les mêmes schémas de violence sexuelle que dans la prostitution.
Pour nous, le « client », le prostitueur est le principal responsable de la situation parce que son achat permet que des femmes puissent se vendre et contribue à engendrer des relations sexuelles de domination.
Nous considérons que la légalisation de la prostitution, surtout telle qu’elle se pose et à cause des rares garanties qu’elle offre aux prostituées, bénéficie aux mafias qui gèrent la prostitution, contribue à l’augmentation et à l’acceptation de celle-ci et favorise l’existence de la prostitution des enfants.
Nous affirmons qu’il existe actuellement une inactivité et une tolérance quasi-absolues de la part des politiciens, des juges et des forces de sécurité à l’égard de tous les hommes participant au marché du sexe, ce qui contribue au développement de ce marché et à son acceptation sociale.
Le modèle néerlandais de légalisation de la prostitution n’a pas contribué à la disparition de celle-ci mais l’a plutôt fait augmenter. Parce que lorsqu’on veut faire disparaître quelque chose, on le combat, on ne le légalise pas. Par exemple, en Suède où l’on applique depuis 4 ans le modèle abolitionniste, la prostitution et le trafic des femmes ont connu une baisse vertigineuse.
Nous considérons que les prétentions du genre « sans la prostitution, il y aurait plus de viols », « c’est la profession la plus vieille du monde » et « il s’agit de la seule façon d’avoir des relations sexuelles pour beaucoup de personnes » sont complètement inacceptables et offensantes pour les hommes. Les hommes n’éprouvent pas de pulsions sexuelles incontrôlables et incontrôlées à cause desquelles, en l’absence de prostituées, nous ne pourrions nous empêcher de violer. Des arguments de ce genre ne font que prétendre justifier la relation de pouvoir qui sous-tend la prostitution et cherchent simplement à protéger les droits des exploiteurs sexuels.
Nous rejetons les accusations de « moralisme » et de « conservatisme » dirigées contre la position abolitionniste à partir de différents secteurs. Nous avons tous une morale, mais notre abolitionnisme émane d’une analyse féministe et d’une volonté d’en finir avec la violence sexuelle. Par ailleurs, nos positions n’ont rien à voir avec le prohibitionnisme : nous ne voulons pas pénaliser la prostituée ou la forcer à abandonner cette activité. Les abolitionnistes veulent instaurer des programmes sociaux d’aide, des alternatives et une réinsertion professionnelle pour celles qui cherchent volontairement à changer leur situation.
Pour nous, les seules personnes qui méritent d’être punies sont les trafiquants de femmes (qui font le commerce des femmes comme autant de marchandises sexuelles), les proxénètes (qui tirent profit de l’exploitation sexuelle) et, en dernière instance, les « clients » pour leur utilisation et leur « chosification » du corps de la femme. Nous voyons un délit non dans la vente du corps par les prostituées mais dans l’achat des femmes et en ce que les femmes sont réduites par cet achat à n’être qu’une simple marchandise au service des désirs des hommes et qu’elles sont sujettes au rapport de pouvoir que suscitent la relation commerciale et celui qui la paie.
Nous pensons que la sexualité masculine et la masculinité doivent se remettre en question (afin de pouvoir aborder les relations avec les femmes en situation d’entière égalité). Qu’est-ce qui ne va pas dans la sexualité masculine pour qu’elle se croie en droit d’acheter des femmes ? Pourquoi le « client » n’aspire-t-il pas à avoir avec la femme une relation d’égalité dans le domaine sexuel au lieu d’une relation axée sur la domination ? Nous croyons que tout est à reformuler et, comme l’ont fait les femmes, nous devons repenser notre rôle social et l’essence de la masculinité afin d’offrir une réponse adéquate à la question actuelle de l’égalité entre les hommes et les femmes.

Par conséquent, nous nous opposons à la légalisation de la prostitution, parce qu’elle est porteuse d’une légitimation et d’une normalisation de cette forme de violence sexuelle et qu’elle réduit la femme à l’état d’une simple marchandise.

Nous considérons que des gestes politiques doivent être posés de toute urgence pour :

Éliminer les conditions qui rendent possible la prostitution et la favorisent, approche qui passe par le soutien aux politiques d’égalité des genres et de lutte contre le sexisme.
Mener des campagnes de prévention, d’éducation et de sensibilisation à ce sujet, qui invitent les hommes à ne pas acheter de « services sexuels ».
Intenter immédiatement des poursuites contre toutes les formes de proxénétisme, avec ou sans le consentement de la personne prostituée, conformément à la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui du 2 décembre 1949 et tel qu’il fut décidé au moment de ratifier ce document.
Organiser des campagnes d’éducation sexuelle et affective, basée sur une vision de la sexualité qui soit égalitaire, scientifique et libre de clichés machistes.
Augmenter les ressources dédiées au démantèlement des réseaux de prostitution.
Créer un code d’éthique qui dissuade les médias de communication de faire de la publicité pour la prostitution.
Augmenter suffisamment les ressources destinées au démantèlement des réseaux de prostitution actifs dans nos pays qui exploitent des femmes trafiquées.
Contribuer par des programmes sociaux à la réinsertion sociale et professionnelle des prostituées qui souhaitent librement et volontairement quitter leur situation. Offrir des possibilités de travail aux prostituées afin de faciliter leur insertion sociale.

Nous considérons que, bien que la prostitution homosexuelle possède des caractéristiques différentes de la prostitution hétérosexuelle, il s’agit là encore d’une forme d’exploitation sexuelle. Voilà pourquoi nous demandons aux hommes hétérosexuels et homosexuels de s’engager activement dans la lutte contre la prostitution. En tant que principaux clients de la prostitution, il incombe aux hommes de créer les conditions qui permettront sa disparition : sans hommes disposés à payer, il ne pourrait y avoir de commerce du sexe.

HOMME, LES FEMMES ET LES HOMMES NE SONT PAS DES MARCHANDISES. NE LES ACHÈTE PAS ! EN LE FAISANT, TU CONTRIBUES À L’EXPLOITATION SEXUELLE.

Source.

(Traduit par Martin Dufresne)

Mis en ligne sur Sisyphe, le 28 octobre 2007

La Asociación de Hombres por la Abolición de la Prostitución

Source – http://sisyphe.org/article.php3?id_article=2775 –

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