L’invitée du mois – Monique Dental
In La Lettre de L’Agaureps-Prométhée, n° 114 février-mars 2015.
L’Invitée du mois.
Monique DENTAL,
Quel état des lieux peut-on faire aujourd’hui de la question des droits des femmes ?
Sur la question des droits des femmes, en France, on peut affirmer que les femmes ont conquis, par leurs luttes, des droits pour être des sujets à part entière.
Cependant, ces droits restent souvent formels et non réels. Au cours de ces dernières années, le contexte de mondialisation néolibérale a contribué à faire régresser l’application de certains droits, comme celui de l’avortement (fermeture des centres de CIVG).
La notion de parité en politique qui complète le principe d’égalité, a constitué une avancée pour les femmes et pour la démocratie ; cependant, sa traduction dans les textes et sa mise en application demeurent restrictives. (Exemples : en 2012, 155 femmes sur 577 députés aux dernières élections du Parlement français, soit 26,9% ; au Sénat : 77 femmes sur 348, soit 22,1%).
(**). La revendication de parité a été étendue à tous les lieux de décision de la vie sociale, économique et culturelle.
En outre, l’égalité entre les femmes et les hommes est mise à mal de nos jours puisque la précarité et la pauvreté touchent tout particulièrement les femmes, ce qui a des répercussions, par exemple, sur le niveau des retraites perçues par les femmes (46% par rapport à celle des hommes).
En revanche, de nouvelles revendications ont émergé portant sur les droits des femmes immigrées, réfugiées et sans-papiers (suppression des mentions faisant référence aux Codes de statut personnel dans les Conventions bilatérales ; statut de réfugiée politique pour fait de sexisme ; droit de vote et d’éligibilité à toutes les élections).
De nouveaux champs d’action comme la lutte contre les violences faites aux femmes et pour la reconnaissance du « féminicide », et la mise en cause du système prostitutionnel ont pris de l’ampleur au-delà des milieux militants féministes posant la question de la responsabilisation et de la pénalisation du client prostitueur.
D’autre part, les forces des mouvements intégristes, sur fond de retour du religieux, qui se sont manifestées aux niveaux national et international au début des années 1990, n’ont cessé de mettre en cause l’idée même d’égalité pour lui substituer celles « d’équité » et de « complémentarité ». Leur offensive vise à limiter la liberté des femmes ; c’est un facteur supplémentaire de régression.
Quels axes programmatiques la gauche de transformation sociale doit-elle mettre en avant dans la période actuelle ?
Qu’entend-on par « la gauche de transformation sociale » ? Cela reste à définir. A mon avis, pour qu’elle soit véritablement une gauche de transformation sociale, elle doit éviter de dresser un catalogue de ses revendications sans vision d’ensemble. Il faut, au contraire, qu’elle prenne en compte la démarche du féminisme – et pas seulement les droits des femmes – comme une approche politique, appliquée transversalement, à toutes les questions de société.
Quelles sont pour elle les perspectives en terme de stratégie politique ?
Les forces de transformation sociale ne doivent pas se limiter, pour moi, aux partis politiques qui sont de plus en plus en décalage avec l’évolution générale de la société. Ce modèle semble dépassé par de nouvelles composantes que sont les mouvements sociaux et sociétaux qui constituent, sur la scène politique, des lieux de réflexions, de mobilisations et de propositions pour transformer la société en profondeur.
Elles sont aujourd’hui les bases pour redéfinir le politique et trouver les formes adaptées à de nouveaux modèles de fonctionnement. Cela est d’autant plus nécessaire et urgent que la démocratie de représentation est en crise. Elle le restera tant que le système démocratique n’aura pas intégré de nouveaux liens articulant démocratie directe et délégataire paritaires et démocratie représentative paritaire.
(*) Contact : Réseau Féministe « Ruptures » : monique.dental@orange.fr
URL http://www.reseau-feministe-ruptures.org
(**) Dans la vie politique, la parité effective entre les hommes et les femmes dans toutes les élections, doit s’accompagner de la promulgation d’un statut de l’élu-e, du non cumul des mandats, de la limitation de l’exercice des mandats à deux mandats de même nature, de la proportionnelle intégrale dans tous les modes de scrutin. Pour ce faire, le passage à la 6ème République est nécessaire.